Gøsta Esping-Andersen avec Bruno Palier, Trois leçons sur l'Etat-providence

Résumé du document

Gøsta Esping-Andersen (né en 1947) est un économiste et un sociologue danois. Il est actuellement professeur à l'université Pompeu Fabra de Barcelone. Il a auparavant enseigné à Harvard, Florence, et Trente. Par ailleurs, il est connu pour sa participation aux réflexions animées par les organisations internationales telles que l'OCDE, l'ONU, la Banque mondiale ou la Commission européenne.
Bruno Palier est chargé de recherches CNRS au CEVIPOF, Centre de recherches politiques de Sciences Po. Il est docteur en sciences politiques, agrégé de sciences sociales et ancien élève de l'école normale supérieure de Fontenay Saint-Cloud.

Quel État-providence pour les sociétés post-industrielles vieillissantes?
Les grandes évolutions sociales récentes, telles que l'entrée des femmes sur le marché du travail ou encore le vieillissement de la population, appellent à de nouvelles interventions. Ce livre essaie de montrer que les politiques sociales ne peuvent plus se contenter d'être des dispositifs d'indemnisation, mais qu'elles doivent porter une stratégie collective d'investissement social.

Extraits

[...] Si on en demande beaucoup à la famille, l'emploi féminin baissera, provoquera une baisse des ressources fiscales et cela aura également une incidence sur les revenus globaux des ménages. Il faut donc définir un contrat intergénérationnel stable et équitable qui permette d'assurer le bien-être des personnes âgées sans épuiser les ressources dont les jeunes auront besoin, tout en nous prémunissant contre le risque d'effets secondaires indésirables. Aujourd'hui, de l'avis de presque tous, la politique de loin la plus efficace pour faire face au vieillissement consiste à repousser l'âge de la retraite. [...]

[...] Il faut également soutenir l'emploi des femmes tout au long de leur vie. La présence de parents âgés dépendants peut les obliger à écouter leur carrière, et la possibilité de prise en charge d'une génération à une autre se dégrade. Les femmes souhaitant de plus en plus travailler le plus longtemps possible, la recherche de services de soins à l'extérieur de la famille va connaitre une augmentation dans les prochaines années. Cependant, cette augmentation ne pourra être satisfaite seulement par le marché, le coût d'un placement en maison de retraite atteignant facilement l'équivalent du revenu féminin médian. [...]

[...] Au Danemark, la mise en place d'une couverture sociale pour ces besoins, par le biais d'aides à domicile par exemple, coute presque du PIB. Cependant, cette dépense est compensée par les recettes supplémentaires que procure au gouvernement une augmentation de l'emploi des femmes d'âge mûr. Mais si le parcours de vie des femmes s'est masculinisé celui des hommes ne s'est pas féminisé L'écart entre les sexes en matière d'activité domestique et ménagère reste significatif, et l'augmentation de la contribution des hommes est fortement biaisée socialement car elle concerne majoritairement les hommes les plus diplômés et les familles où les femmes sont en position de force pour négocier. [...]

[...] Il faudrait donc mettre en place une politique de subventionnement qui permette d'adapter les frais aux revenus. Les dépenses allouées à la garde d'enfants seraient alors remboursées grâce à l'augmentation des revenus de la mère tout au long de sa vie. Pour conclure, il faudrait augmenter les dépenses pour les moins de 3 ans, grâce à une politique d'aide publique à la prise en charge des jeunes enfants par exemple, ce qui permettrait de concilier les deux préoccupations que sont l'égalité des chances et la productivité future. [...]

[...] Ainsi, la rapidité du rythme auquel la société vieillit est dans une large mesure l'effet de cette révolution féminine. Cependant, cette révolution reste inachevée, car elle obéit à une stratification sociale où les femmes qualifiées issues de la classe moyenne sont à l'avant-garde, alors que les femmes peu qualifiées ont plus de chance d'adopter le modèle traditionnel de la femme au foyer. Au début, l'État-providence moderne était fondé sur le familialisme, partant du principe que l'homme était soutien de famille, et sa conjointe femme au foyer. [...]