Georges Burdeau: "La politique au pays des merveilles", PUF, 1979

Résumé du document

La politique au pays des merveilles, du politologue Georges Burdeau (1905 – 1988), traite de la part d'irrationnel qui entre dans l'activité politique des sociétés. Dans un univers où l'apparence des choses a pris le pas sur leur réalité, des hommes que rien ne distingue de la masse sont par un processus quasi magique investis de pouvoir. Autre phénomène étrange et significatif constaté par Burdeau : la politique n'innove pas. Bien qu'elle soit aussi ancienne que la vie en société, ses procédés les plus efficaces sont immuables. Ces mêmes procédés mettent en échec la science, qui n'a pas sa place dans le monde enchanté de la politique où règne l'illusion. Le postulat de l'irrationnel dans le politique est, l'auteur en est conscient, en complète opposition avec le culte de la raison hérité des Lumières. Il est de plus humiliant pour le politique et en contradiction apparente avec l'avènement des démocraties. Mais l'enchantement politique n'exclut pas la rationalité, bien au contraire. La politique, à l'intérieur de son monde merveilleux, suit la plus stricte logique...

Extraits

[...] L'univers politique n'est pas, comme on aimerait le croire, une part du réel. Les faits qui peuplent l'univers politique le font non pas concrètement mais à travers leur représentation, l'image que la société s'en fait à travers ses propres postulats irrationnels. C'est donc un univers de symboles, d'interprétations et de croyances. Cela met l'univers politique en porte à faux avec le monde réel ; le rééquilibrage se fait alors par le jeu des passions dans le psychisme collectif. C'est ainsi que pour une faute ou une gloire politique commune, la masse immolera un bouc émissaire ou glorifiera un héros. [...]

[...] Le peuple tel qu'il est invoqué dans les constitutions et les discours politique est seulement une partie de la société. Qu'il s'agisse du prolétariat dans les régimes communistes ou des citoyens de la cité grecque, ce n'est pas l'ensemble des individus qui est considéré. Le mythe du peuple a pour rôle essentiel d'assurer l'unité de la société contre les dégâts de la lutte pour le Pouvoir, qui consiste à parler en son nom. Au mythe fondamental de l'unité fait écho celui de la représentation. [...]

[...] Le postulat de l'irrationnel dans le politique est, l'auteur en est conscient, en complète opposition avec le culte de la raison hérité des Lumières. Il est de plus humiliant pour le politique et en contradiction apparente avec l'avènement des démocraties. Mais l'enchantement politique n'exclut pas la rationalité, bien au contraire. La politique, à l'intérieur de son monde merveilleux, suit la plus stricte logique. I. Le phénomène politique La politique est l'activité par laquelle on reconnaît une société constituée et consciente d'elle-même. [...]

[...] Hobbes et Comte le théorisent l'un dans un contexte de troubles politiques, l'autre dans une société industrielle. L'obéissance que lui témoignent les individus est obtenue par la pression de la société, qui la fait apparaître comme nécessaire. Sans les croyances et les peurs qui sont les outils de cette pression, le sujet se mettrait à réfléchir et peut-être à contester l'autorité, ce qui serait la fin de toute société. Le peuple tient fort à ses croyances. Pour preuve son aversion envers les techniciens, profanateurs du monde merveilleux, qui osent à coup de statistiques et de raisonnements ciblés tenter de brisé le bel ensemble enchanté. [...]

[...] Burdeau distingue comme pour les mythes des rites fondamentaux. Le rite de communion répond au mythe de l'unité du peuple. Il s'agit, sous en puisant dans un passé idéalisé, de faire marquer à l'ensemble des individus leur appartenance au groupe (fêtes nationales Dans les démocraties, la communion se fait devant les urnes. Quels que soient les clivages idéologiques, le peuple juridique est rassemblé dans l'acte de voter. Et dans les démocraties populaires, où il n'était pas question d'exprimer sa différence, le rite de l'élection revêtait d'autant plus le caractère d'une communion. [...]