Histoire sociale du suffrage universel en France d'Alain Garrigou paraît en février 2002, deux mois plus tard, le 21 avril 2002, la crise de la démocratie française apparaît au grand jour : avec 28,5 % d'abstention au premier tour et un vote éclaté, le candidat de l'extrême droite accède au second tour, éliminant le candidat socialiste Lionel Jospin. La démocratie française est en crise, et de façon visible, l'opinion publique en prend conscience, mais aux législatives des 9 et 16 juin suivants, l'abstention s'élève toujours à 35,59%. La réflexion d'Alain Garrigou sur l'histoire du suffrage universel résonne alors particulièrement avec l'actualité…
•Plusieurs auteurs, sociologues s'interrogent déjà avant la présidentielle de 2002 sur le phénomène de l'abstentionnisme, et au sortir de la crise électorale des élections présidentielles américaines de 2000, nombreux sont les chercheurs à interroger cette démocratie occidentale qui semble ébranlée. Les démocraties françaises ou américaines qui se targuent aux yeux du monde entier du terme de modèle semblent violemment affaiblies, comme vides de sens. Et c'est justement à ce sens de la démocratie, à son objet le plus central, son plus grand symbole, que s'intéresse Alain Garrigou : le suffrage universel.
•Professeur de science politique à l'université de Paris-X-Nanterre, il est l'auteur notamment et entre autres de Les élites contre la République- Sciences Po et l'ENA, un livre dans lequel, Alain Garrigou interroge la construction sociale d'institutions (Ena et Sciences Po) pour mieux comprendre leur réalité et leur évolution. Il adopte la même démarche dans Histoire sociale du suffrage universel, comme nous allons le voir dans une première partie où nous essayerons de comprendre la démarche de l'auteur, sa méthode et les moyens qu'il a mis à son service pour réaliser son étude. Dans un second temps, nous évoquerons trois points particulièrement intéressants de son livre.
[...] Mais Alain Garrigou nuance les propos de Daniel Halévy en expliquant que les notables n'ont pas réellement disparu de la société, ils en font toujours partie. Il précise par ailleurs qu'une partie d'entre eux s'est adapté aux nouvelle règles de la politique, et que parallèlement on a pu assister à une notabilisation des certains entrepreneurs politiques, réélus régulièrement, il y a donc convergence entre l'entrepreneur politique et le notable qui tend à définir le nouvel homme politique de la Vème République. [...]
[...] Il peut être intéressant de rapprocher de ce propos d'Alain Garrigou, la définition de la déviance d'Howard Becker qui explique dans son ouvrage Outsiders que la déviance n'est pas une qualité de l'acte commis par une personne mais plutôt une conséquence de l'application par les autres de normes et de sanctions à un transgresseur Ainsi, c'est dans la dénonciation des attitudes des candidats que va se formaliser ce que qu'on commence alors à considérer comme corruption. Mais si l'électeur est bien celui qui dénonce la déviance, c'est-à-dire la corruption, il est surtout poussé à le faire par les entrepreneurs de morale La déviance est donc en fait un instrument de la compétition électorale. Les contestations continuent les luttes électorales. La première préoccupation de ces entrepreneurs de morale qui dénoncent la corruption, n'est pas véritablement la légalité mais de gagner les élections. Néanmoins la dénonciation de la corruption participe à la définition des normes. [...]
[...] GARRIGOU Alain, Les élites contre la République- Sciences Po et l'ENA, Editions La Découverte, Paris GARRIGOU Alain, Histoire sociale du suffrage universel en France-1848- 2000, Editions du Seuil, Paris (1ère édition 1992) p.7 titres de journaux mentionnés p.65/66/67 de GARRIGOU Alain, Histoire sociale du suffrage universel en France-1848-2000, Editions du Seuil, Paris p.7 exemples p.73 BONI DE CASTELLANE, Mémoires, Perrin, Paris p.131 BECKER Howard, Outsiders, Etudes de sociologie de la déviance, Editions A. Mètailé, Paris (1ère édition : 1963) entrepreneurs de morale : terme employé par Alain Garrigou dans GARRIGOU Alain, Histoire sociale du suffrage universel en France-1848-2000, Editions du Seuil, Paris (1ère édition 1992). [...]
[...] Cette définition de la déviance et donc de la norme a transformé la relation électorale, on est passé de relations sociales à des relations politiques entre électeurs ce qui nous amène à notre second point : La dimension de l'apprentissage du vote jusqu'à une politisation et une individualisation du vote est un aspect essentiel de l'argumentation de Alain Garrigou. L'électeur a d'abord du apprendre à voter, il a fallu acquérir tout un savoir-faire électoral, et les nombreux passages dans la première partie de Histoire sociale du suffrage universel en France-1848- 2000, les nombreuses erreurs de compréhension de l'usage des élections (commentaires écrits sur les bulletins de vote, etc.) témoignent de ce long apprentissage. Une fois ce savoir-faire acquis, l'électeur a pu s'emparer des élections. [...]
[...] Néanmoins, on peut regretter le fait que finalement Alain Garrigou se soit assez peu penché si ce n'est dans sa conclusion sur le phénomène de l'abstentionnisme, si ce phénomène fait partie, comme il l'affirme de l'histoire socialement construite du suffrage universel, pourquoi ne lui a-t-il pas accordé d'avantage d'attention , pourquoi ne lui a pas accordé un chapitre ? Peut-être ce phénomène aurait il mérité plus qu'une simple ouverture en guise de conclusion. Alain Garrigou concluait également en faisant allusion à un cens caché. Il pourrait donc être intéressant de se demander en partant du livre de Daniel Gaxie[10] Le cens caché, si ce cens n'est pas inhérent au suffrage, universel. [...]
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