Dans La France morcelée, le sociologue Jean-Pierre Le Goff dresse le portrait d'un pays vivant période critique où ce qui était un ciment de la société se décompose et que rien ne paraît pouvoir le remplacer. Il analyse la situation de la France sous des prismes différents (de l'élection présidentielle de 2007, en passant par l'Union Européenne, Mai 1968 ou la notion de harcèlement moral) pour dresser le portrait actuel d'un pays en rupture avec son passé et sans visée d'avenir, et souffrant à l'intérieur de la conjonction de l'individualisme et du culte de la performance et de l'adaptation au changement. Tout cela contribue à un morcellement qui apparaît plus comme une véritable crise structurelle de l'existence collective qu'un simple phénomène conjoncturel.
[...] La souffrance au travail L'auteur s'intéresse en effet à la sphère spécifique du travail, qui est aussi un reflet du morcellement du pays. La généralisation du modèle de la performance sans faille déjà évoqué pour la sphère politique s'applique évidemment au travail et contribue à sa déshumanisation. Le développement d'un modèle de la performance sans faille a en effet contribué à la dégradation des rapports de travail. Parallèlement, la valorisation du temps libre et la vision d'une retraite comme étant la vraie vie compenserait la dégradation du travail et signifierait la perte de tout espoir de changer quoi que ce soit. [...]
[...] Cette notion qui a investi le débat public et a conduit à légiférer pour le condamner est révélatrice du morcellement du pays par la radicalisation de l'individualisme et la focalisation excessive sur les victimes. Il s'agit pour Le Goff d'une alliance entre les restes de l'idée de la lutte des classes et d'exploitation avec une problématique thérapeutique, qui construit un nouvel air du temps marqué par la psychologisation et la victimisation Alors qu'avant primait le collectif, la classe, l'individu est devenu une référence première et sa souffrance devient le levier d'une action morale. [...]
[...] Savoir écouter la souffrance est devenu un mot d'ordre politique. Les victimes exaltées ne seront néanmoins pas les même pour les deux candidats. Plus globalement, Nicolas Sarkozy incarne une transformation de la langue caoutchouc (à savoir un discours politique qui dit tout et son contraire avec un aplomb déconcertant, enrobe l'opportunisme dans des phrases sonores à proportion de leur vacuité, sur le modèle de la communication médiatique et publicitaire en un franc-parler populiste qui joue constamment sur le registre victimaire et justicier. [...]
[...] On peut néanmoins reprocher à cet ouvrage la tendance à réduire le malaise ambiant à des causes certes profondes, mais finalement assez peu nombreuses, à savoir principalement la généralisation de l'individualisme et le culte de la performance managériale. [...]
[...] Pour en revenir à l'Union Européenne, la difficulté à définir des valeurs communes à l'Union Européenne est liée selon l'auteur au fait qu'elle a pour fondement le refus de la guerre, refus qui ferait peser un doute sur les capacités émancipatrices de la culture, comme si les guerres et les totalitarismes avaient tout dévasté sur leur passage En effet, l'héritage historique des sociétés démocratiques est réduit à ses pages les plus sombres et se trouve largement rejeté par la jeunesse. Des causes de morcellement plus profondes a. [...]
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