Pascal Boniface publie en 1998 un petit ouvrage où il dresse le bilan de la puissance de la France, notamment si cette puissance mérite « encore » le qualificatif de « grande ». Cette réflexion sur l'état de la puissance française s'inscrit dans un débat – séculaire - plus large sur les capacités de la France en général, son déclin en particulier. Au sein des nombreux ouvrages consacrés au déclin français, celui-ci se distingue particulièrement. Boniface se livre à un plaidoyer pour le réalisme, aussi éloigné des discours grandiloquent sur la France éternelle, lumière du monde, que du pessimisme récurrent voire larmoyant sur les splendeurs passées d'une France aujourd'hui déchue...
Cette thèse, publiée en 1998, prend un relief particulier 5 ans plus tard, dans le débat public français actuel, avec la récente publication de « La France qui tombe » de Nicolas Baverez. Ce dernier a relancé la controverse sur ce sujet, déjà soulevé en 1995 à l'occasion de la campagne présidentielle, où le déclassement de la France avait déjà été évoqué... Dans son ouvrage, N. Baverez dresse, lui, un constat sans appel, tranchant dans le sens du déclin manifeste de la puissance française. A cette question posée par le titre de son livre, Boniface répond de façon nuancée, sans faire l'impasse ni sur les faiblesses patentes de la France, ni sur ses atouts incontestables.
[...] Boniface cite Charles de Gaulle commentant la visite en France du premier ministre japonais : J'ai voulu rencontrer un homme politique japonais mais je n'ai reçu qu'un marchand de transistors Baverez y voit l'arrogance vaine d'un pays en plein déclin, qui compense ses échecs par des discours de plus en plus creux. les mots de la puissance sans les moyens de la puissance Boniface n'y lit pas le signe d'un pays qui s'illusionne sur ce qu'il est mais sur ce qu'il a été. La France s'illusionne sur sa gloire passée, les grands discours de nos diplomates contemporains exaltent une France glorieuse qui, pour Boniface, est largement un mythe. [...]
[...] Pascal Boniface pointe de façon approfondie les écueils à éviter en politique étrangère ; l'orgueil en parole, l'agressivité vis-à-vis de nos voisins, le ton donneur de leçons sont parmi les traits les plus répandus qui dominent trop souvent notre politique étrangère. Boniface voit dans cette attitude bien française un danger pour notre puissance. Outre qu'elle exaspère nos voisins et contribue à nous marginaliser, à nous exclure des grands enjeux internationaux, elle s'avère surtout être un révélateur de notre impuissance, notre incapacité à peser de façon décisive. [...]
[...] Son constat est convaincant et nuancé. Il invite les dirigeants français à reconnaître notre rang de puissance moyenne et à s'en satisfaire pour en tirer un maximum, au lieu de s'enfermer dans le souvenir d'une France quasi-mythologique, en perpétuel décalage avec la réalité de ses petits moyens, attitude qui ne peut que l'affaiblir davantage. [...]
[...] Il n'omet pas non plus de revenir sur la notion même de puissance une notion évolutive, nous rappelle-t-il, dans un monde de plus en plus multilatéral où les attributs traditionnels de la puissance peuvent perdre leur utilité au profit d'autres. Ainsi, le facteur militaire, s'il ne doit pas être négligé, n'est plus le facteur primordial, de même que sa définition a changé. Il s'agit aujourd'hui moins du nombre d'hommes qu'une nation peut aligner sur un champs de bataille que de la sophistication technologique de ses équipements . Le facteur démographique lui aussi, tend à se dévaloriser comme atout de puissance, tout comme la possession de ressources naturelles. Le facteur essentiel aux yeux de P. [...]
[...] L'actualité de cette réflexion Pascal Boniface met en garde la France contre les excès de langage et l'outrance dont elle fait souvent preuve en politique étrangère. Bien que cette mise en garde remonte à 1998, on ne peut qu'être frappé par l'actualité de cette réflexion. L'attitude de la France au cours des crises internationales récentes valide de façon nette cette analyse. Indépendamment de la justesse de la cause défendue, la France, au cours de la crise irakienne, s'est exprimée de façon péremptoire voire excessive, sans en avoir les moyens, vis-à-vis de ses partenaires et, selon certains analystes, n'a pas peu contribué à la cacophonie européenne. [...]
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