Gustave Flaubert n'est pas ce qu'on appelle un écrivain « engagé » ; au contraire, c'est un écrivain désengagé de la vie de son temps. Il mène une vie solitaire, retiré à la campagne, qu'il ne quitte qu'en de rares occasions, il entretient des relations sur le mode épistolaire avec ses contemporains. Sa production littéraire n'inclut pas d'essais, d'articles sur la vie politique, pourtant mouvementée, de son époque. Et pourtant, Flaubert a des idées politiques fortes qu'il exprime en filigrane dans ses romans, et en toutes lettres dans sa correspondance. Comment Flaubert pense-t-il la notion de démocratie ? De quel courant de pensée politique pourrait-on rapprocher sa pensée ? Au-delà de la critique, quelle solution politique propose-t-il ?
[...] Flaubert semble incapable de venir à bout de cette contradiction. Renan, lui, cherche à aménager le suffrage universel : Ce qui est légitime, possible et juste, c'est de faire que le suffrage, tout en restant parfaitement universel, ne soit plus direct . Ou comment retirer de la recette de la démocratie une livre d'égalité sans diminuer d'une once le poids de la liberté. Il va même jusqu'à prôner l'inégalité : L'inégalité est écrite dans la nature, elle est la conséquence de la liberté, or la liberté de l'individu est un postulat nécessaire du progrès humain. [...]
[...] N'avait-il pas d'alternative à proposer à ce suffrage universel tant abhorré ? On peut en fait affirmer que Flaubert s'est doté d'une réelle pensée politique, c'est à dire d'une pensée qui dépasse l'aspect critique, uniquement à la fin de sa vie, à force de lectures et de correspondances au départ vouées à ses recherches documentaires, et qui ont fini par l'intéresser en elles-mêmes. Contrairement à la plupart des hommes politiques qui prennent part aux choses politiques mus par le feu de la jeunesse, Flaubert s'est engagé dans la réflexion politique au temps de la sagesse II. [...]
[...] L'examen au dessus du principe, la raison au delà de la convenance. Tout cela est bien abstrait, pourra-t-on objecter. Cependant, Flaubert, perdu dans son idéal spirituel, a même pensé au mode de scrutin, d'un genre nouveau : Tout homme (selon moi), si infime qu'il soit, a droit à une voix, la sienne. Mais il n'est pas l'égal de son voisin, lequel peut le valoir cent fois. Dans une entreprise industrielle (société anonyme), chaque actionnaire vote en raison de son apport. Il devrait en être ainsi dans le gouvernement d'une nation. [...]
[...] Il assimile totalement la démocratie à la démagogie. L'opinion remplace l'idée, faute d'instruction. La foule devient ainsi le véhicule des idées reçues : Par le seul fait de la foule, les germes de bêtise qu'elle contient se développent et il en résulte des effets incalculables Donner le pouvoir à une foule ignorante et mue par son propre intérêt, qui d'accéder au même rang que la bourgeoisie, c'est donner le pouvoir à la bêtise, à la réduction de la pensée à sa forme pré mâchée, aux idées reçues. [...]
[...] Flaubert prône la pondération des voix par rapport à l'esprit, à l'apport de chacun à sa nation. Il serait alors pour l'établissement d'un régime censitaire, mais où le cens n'aurait rien à voir avec une quelconque valeur matérielle, mais devrait se rapporter à une valeur spirituelle du citoyen. L'artiste et le penseur transparaissent derrière le théoricien politique. C'est en cela que la pensée de Flaubert est originale. Elle n'est pas mue par la passion ou l'intérêt, ni par la volonté d'imposer une opinion, sa pensée politique est solitaire et réfléchie. [...]
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