Dimanche dernier, les français ont élu un nouveau président. Mais ce faisant, ont-ils élu un programme, un « choix de société », comme Nicolas Sarkozy s'est plu à le répéter ? Ou ont-ils choisi un candidat, un personnage, une personnalité ? En effet, à bien y regarder tout au long de la campagne, les reportages, analyses et critiques qui se sont multipliés ne portaient pas tant sur des dossiers de la vie politique et du programme de chaque candidat, mais plutôt sur leur parcours personnel, leur caractère, telle ou telle facette de leur vie ou de leur personnalité. Toutefois, ces portraits ont sans cesse été mis en perspective avec la vie politique et les incidences qu'ils auraient sur la fonction présidentielle. L'analyse de la couverture de la campagne par les médias français et étrangers, aussi bien que la structure des voix s'étant prononcées pour le candidat gagnant sont toutes deux révélatrices d'une profonde évolution de la communication politique depuis quelques années. Mais dans quel sens ? Les mots de « peopolisation », personnalisation, « infotainement » sonnent parfois comme de tristes augures en ce qui concerne la qualité de l'information politique, nécessaire à toute démocratie. Qu'en est-il vraiment ?
[...] Mais dans quel sens ? Les mots de peopolisation personnalisation, infotainement sonnent parfois comme de tristes augures en ce qui concerne la qualité de l'information politique, nécessaire à toute démocratie. Qu'en est-il vraiment ? I. La montée de l'infotainement : Vers une dépolitisation de l'information ? L'arrivée de la télévision comme nouveau média de masse a profondément bouleversé le rapport que les politiques entretiennent avec les citoyens. [...]
[...] Autrefois considéré comme un élève à éduquer par le modèle de la télévision publique, le citoyen est désormais considéré comme un individu libre et indépendant. Or, si les chaînes privées se sont tout d'abord alignées sur les programmes des chaînes publiques –comme le souligne Kees Brants- elles ne tardent pas à proposer des émissions de divertissement visant à rassembler l'audience la plus large possible. Pour ce faire, de nouveaux concepts d'émissions sont pensés, brassant des thèmes très divers sur un mode léger et distrayant –toujours plus sophistiqué : intervention de personnalités politiques et d'acteurs dépourvus de légitimité politique, insertion de mini-reportages, de jeux, d'interactivité Cette évolution a eu pour conséquence un brouillage progressif de genres auparavant clairement délimités, l'information et le divertissement. [...]
[...] La réponse de Brants et Derville Ecrits avec presque dix ans d'écart, les textes de Kees Brants et de Grégory Derville se rejoignent pourtant sur de nombreux points pour dénoncer cette peur de la popularisation de l'information, et surtout de l'information politique. Ceux-ci opposent en effet plus volontiers les concepts de désacralisation et de démocratisation à ceux de peopolisation et de dépolitisation. Loin de nier le principe de l'infotainement, ces derniers affirment cependant que ce phénomène permet aux couches de la population les moins bien dotées pour analyser la politique de s'intéresser d'une autre façon à cette dernière. [...]
[...] Ce phénomène est couramment désigné par l'anglicisme infotainement Or, cette évolution, déjà en place aux Etats-Unis depuis fort longtemps, soulève de nombreux débats en Europe et en France. La multiplication d'émissions de variétés faisant la part belle à la politique dans leur programme a paradoxalement provoqué la critique d'une dépolitisation de l'information. Selon ces critiques, il semblerait que cela soit les émissions de variétés qui tirent la qualité de l'information vers le bas plutôt que l'intervention du débat politique dans ce type d'émission qui en rehausse le niveau. [...]
[...] Tout d'abord, il est bon de signaler, comme l'a fait Derville, que la perception de ces émissions varie grandement d'un individu à l'autre, selon différentes modalités de réception Concernant l'exemple du Bébête Show, Derville a bien montré que pour une certaine catégorie de téléspectateurs (les fans populistes l'émission n'agissait pas du tout comme un facteur d'attraction pour la politique, mais confirmait –comme souvent- une répulsion affirmée pour ce milieu jugé corrompu. On peut supposer que ce type de réaction s'appliquera de la même manière à d'autres émissions relevant de l'infotainement, cette dernière ne conduisant donc pas systématiquement à un intérêt pour la politique ni à une identification avec ses acteurs. Cependant, on peut rappeler que Brants comme Derville insiste sur cette fonction de socialisation de l'infotainement dans le cas des populations les moins politisées. [...]
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