Né en 1918 à Berlin dans une famille juive allemande, George Mosse, mort il y a cinq ans, s'inscrit pleinement dans la chronologie du XXe siècle suivant la Première Guerre mondiale. Il s'exile en 1933 lors de l'arrivée d'Hitler à la chancellerie et poursuit ses études à Cambridge en Angleterre, puis à Harvard aux Etats-Unis où il entamera une brillante carrière universitaire. Il s'intéressera tout particulièrement à l'analyse des ressorts culturels et idéologiques du fascisme dans nombre de ses ouvrages publiés depuis les années 50. Son analyse repose notamment sur le décryptage de la représentation que pouvaient se faire les contemporains du fascisme et du nazisme, rompant ainsi avec la grille de lecture marxiste généralement adoptée par les historiens d'après-guerre. Auteur du concept de « brutalisation » visant à expliquer l'aggravation des comportements politiques dans l'Entre-deux-Guerres, son apport d'historien du XXe siècle est immense, et ce bien que sa notoriété reste plus grande outre-atlantique qu'en France.
Le titre de l'ouvrage résume à lui seul la volonté de son auteur : faire du fascisme, de ses idéaux, de ses concrétisations et représentations une révolution au même titre que la révolution bolchevique ou la « révolution culturelle » de Mao dans les années 70. Le principe de l'œuvre est dès lors provocant si l'on connaît l'approche communément adoptée après-guerre à propos du nazisme et du fascisme. Ces derniers sont le plus souvent entendus comme les résultantes de crises socio-économiques et non comme l'expression d'une volonté de renouveau ayant su galvaniser les masses. La thèse de G. Mosse consiste ainsi à souligner le caractère proprement nouveau de l'idéologie fasciste et de ses concrétisations, et ce afin de comprendre la grande popularité qu'ont connue ces extrêmes dans les années 20 puis 30. Le terme de « réaction » face au bolchevisme, à la défaite et à la crise économique ne suffirait pas à identifier le fascisme… Il serait même réducteur et dangereux de l'entendre comme tel. Le sous-titre insiste bien sur les vues de l'auteur : il s'agit d'une contribution à « une théorie générale du fascisme », incluant par conséquent tous les aspects que prend généralement une révolution. La culture est l'un des aspects récurrents dans l'œuvre : elle est constitutive de cette « révolution ».
Peut-on parler de révolution culturelle s'agissant du fascisme ? Le fascisme est-il une révolution culturelle ? On entend la culture à la fois dans son sens restreint de production artistique et dans son sens extensif d'ensemble de normes, de valeurs et de pratiques sociales qui en font un tout englobant définissant les rapports entre individus au sein de la société. Nous verrons ainsi dans une première partie en quoi le fascisme constitue un renouveau culturel important, souligné à juste titre par Mosse, puis nous verrons en quoi le fascisme porte intrinsèquement nombre de paradoxes pouvant le faire passer comme une forme renouvelée de conservatisme culturel. Enfin, nous verrons que le fascisme, aux relents totalitaires, se rapproche plus d'une révolution sociale que d'une révolution culturelle au sens de Mosse.
[...] Dans son chapitre sur le Fascisme et la Révolution française, Les recoupements sont flagrants et Mosse parle du nationalisme comme d'une religion civile ayant une valeur temporelle Les processions, la mise en scène du régime, les serments d'allégeance, les symboles comme la swastika, le culte du chef assimilé à une sorte de demi-dieu Le régime est selon Mosse empreint d'une religiosité mystique et millénariste qui a su convaincre les foules par son originalité et sa nouveauté. Mais en l'occurrence survient un des premiers paradoxes du régime de Mosse. [...]
[...] Le racisme quant à lui, associé jusqu'en 1938 à l'Allemagne seule, sert de catalyseur du nationalisme en lui donnant ce mordant décrit par Mosse. Le racisme aura permis de mieux définir ce qu'étaient le modèle physique de l'homme nouveau ainsi que les ennemis intérieurs, contre-types dégénérés qu'il convient de supprimer : le racisme faisait appel au même désir d'immuabilité et de rédemption de celui qui fonde les religions traditionnelles, et aussi de très nombreuses idéologies modernes Le terme de révolution indique la transformation en profondeur des moyens et des fins de la politique. [...]
[...] Révolution signifie rupture définitive avec le passé, le fascisme réhabilite et réinterprète ce passé tout en conservant les traditions, valeurs et règles morales les plus strictes. L'œuvre de Mosse propose un éclairage particulièrement intéressant sur l'interprétation qui peut être faite aujourd'hui du fascisme en tant que mouvement social, culturel et religieux. Mais ni la liturgie, ni la créativité artistique ni la soi-disant émancipation sociale ne semblent conférer au fascisme son titre révolutionnaire. Bien plus qu'une révolution culturelle, le fascisme apparaît comme une révolution à caractère social, comme le souligne Ezra Suleiman en citant A.J.P. [...]
[...] La culture völkish des arts promue par le régime nazi souhaitait éduquer les masses à un type artistique nouveau et populaire et/ou populiste visant à renforcer la légitimité et la visibilité du régime. La révolution culturelle fasciste reposerait ainsi sur des principes idéologiques forts, et des réalisations artistiques concrètes aidées par certains mouvements d'avant-garde. Le pouvoir popularisera un art officiel par l'intermédiaire de la propagande que Mosse n'étudie pas et en adoptant une nouvelle forme de communication avec les masses. Mosse répète à divers moments du livre et de manière diffuse ces quelques caractéristiques essentielles qui font des fascismes allemand et italien des mouvements révolutionnaires à part entière. [...]
[...] Le terme de réaction face au bolchevisme, à la défaite et à la crise économique ne suffirait pas à identifier le fascisme Il serait même réducteur et dangereux de l'entendre comme tel. Le sous- titre insiste bien sur les vues de l'auteur : il s'agit d'une contribution à une théorie générale du fascisme incluant par conséquent tous les aspects que prend généralement une révolution. La culture est l'un des aspects récurrents dans l'œuvre : elle est constitutive de cette révolution Peut-on parler de révolution culturelle s'agissant du fascisme ? Le fascisme est-il une révolution culturelle ? [...]
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