Pourquoi l'ensemble des démocraties mondiales sont-elles soumises à des tensions conduisant à l' "illibéralisme", c'est-à-dire la négation des valeurs d'Etat de droit et de libertés civiques ?
Le développement de la démocratie favorise-t-il l'expansion du libéralisme politique tel qu'il existe en Occident ? Rien n'est moins sûr.
L'analyse de F.Zakaria exclut les arguments culturalistes et prône l'extension des valeurs du libéralisme politique à l'ensemble du monde, en dissociant cependant clairement ce mécanisme du développement de la démocratie. C'est en réalité par l'enrichissement général et l'acceptation du principe d'autorité par l'expertise en tant que valeur légitimatrice forte que le libéralisme politique peut s'étendre. C'est une analyse tranchée et pragmatique, fort intéressante.
[...] Le moyen le plus sûr et le plus efficace d'en assurer l'éclosion est l'enrichissement. Très pragmatiquement, des études ont montré que le calcul du PIB par habitant permettait de hiérarchiser assez sûrement le niveau de préparation d'une société à la mise en place des principes du libéralisme constitutionnel. Ainsi, au dessus de 6000 dollars par habitant, une société a de bonnes chances de réussir dans la mise en œuvre de ces principes. Au dessus de 15000 dollars par habitant, il devient très peu probable que le libéralisme constitutionnel soit délaissé. [...]
[...] Les obstacles à la libéralisation des démocraties illibérales : l'exemple des pays arabes A. Les échecs passés nourrissent l'impuissance actuelle, et consacrent la rupture grandissante entre gouvernants et gouvernés Les pays arabes ont très tôt manifesté la volonté de prendre exemple sur les sociétés occidentales. Les élites de ces pays, conscientes du retard pris vis-à-vis des sociétés européennes ont ainsi embrassé le projet de modernisation inspiré des valeurs européennes par l'intermédiaire des partis Baas et de personnalités de premier plan telle que Nasser. [...]
[...] Les spécificités du chiisme, et sa hiérarchie religieuse dominée par les ayatollahs permettent d'envisager une éventuelle rupture claire entre politique et religion. Les conditions favorables à une telle rupture sous-tendent une amélioration nette des conditions de vie, c'est-à-dire à nouveau l'enrichissement. Une telle évolution, si elle n'est pas applicable en l'état aux pays arabes sunnites, aurait toutefois un impact psychologique très important. Ce processus serait en tout point l'inverse de la révolution islamique de 1979. Les obstacles à l'instauration de la démocratie libérale, illustrés par l'exemple des pays musulmans, ne sont pas des spécifiques aux démocraties illibérales. [...]
[...] L'organisation de scrutins ne signifie cependant en rien le respect des valeurs démocratiques. La démocratie est un moyen puissant de légitimation, même lorsqu'il existe des fraudes, et, en tant que tel, est employée dans la très grande majorité des pays du globe. En fait, il s'agit de différencier démocratie et libéralisme constitutionnel. Celui-ci fait du respect des libertés civiques et de l'Etat de droit la base des démocraties de type occidental. Cette différenciation est un moyen de lever l'ambiguïté du terme démocratie particulièrement galvaudé. [...]
[...] L'entêtement des démocraties illibérales arabes à marginaliser les mouvements islamistes (comme c'est le cas en Egypte) a cependant un effet contre-productif majeur : l'impossibilité pour les islamistes d'affronter la réalité du pouvoir, leur ghetto politique, en fait des hommes providentiels. L'expérience du pouvoir (le cas du Hamas sera révélateur), les échecs dans la pratique, pourrait les décrédibiliser et ainsi seraient les meilleurs facteurs d'affaiblissement de ces courants. Il est à cet égard très révélateur d'observer que tous les régimes arabes sont des modérateurs. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture