Olivier Mongin, directeur de la revue Esprit, et l'islamologue Gilles Kepel ont entrepris de réunir dans cet ouvrage des articles que le chercheur avait publiés dans diverses revues consacrées au Moyen-Orient, de 1978 à 1986. Ce recueil est intéressant pour comprendre la personnalité de ce chercheur. Il est né en Tunisie, et a vécu une partie de son enfance là-bas, ce qui a suscité un intérêt important pour le monde arabe. Cet intérêt a été renforcé, stimulé et interrogé par le tiers-mondisme « post-soixante-huitard » de sa génération. Michel Seurat entreprend donc, dès 1971, une activité de sociologue-arabisant au Liban et en Syrie. Cet itinéraire l'a conduit à explorer tous les aspects de la réalité moyen-orientale qu'il a analysé au fil de ses recherches : la littérature, le théâtre, l'histoire, la ville, mais aussi, et surtout la politique, particulièrement de la Syrie. Il a publié de nombreux articles à ce sujet de 1980 à 84, dans Esprit, mais également dans Le Monde Diplomatique.
Ces articles constituent la première partie du recueil, sous le titre « De la tyrannie aujourd'hui ». Ils traduisent la volonté de l'auteur de comprendre la réalité et la complexité de l'Etat d'Assad dans tous ses aspects : sa violence qui traduit sa fragilité interne, et sa puissance extérieure croissante. Michel Seurat démontre, au fil de ses articles, la manière dont Assad a réussi à maintenir son régime sur un véritable vide politique, sans lien avec son peuple, et surtout sans aucune société civile. Michel Seurat étend également son analyse au Moyen-Orient tout entier, changeant aisément d'échelle et passant volontiers de l'analyse sociologique quartier de Tripoli aux grands équilibres régionaux.
Le jeu politique régional au Moyen-Orient est, pour Michel Seurrat, dominé par des bandes (nomos) déguisées en Etat. Pour lui, notamment en Syrie, l'appareil étatique n'existe pas. Le rôle principal est joué par la bande au pouvoir. A celle-ci, on peut donc aisément appliquer le modèle khaldounien : à un moment historique donné, une communauté (‘asabiyya) soudée par des liens de sang ou une similitude de destin, use d'une prédication (da'wa) religieuse ou politique pour prendre le pouvoir (mulk). Michel Seurrat analyse donc sur quels clivages se fonde la ‘asabiyya du pouvoir assadien de Syrie, de quelle manière il tente de se légitimer grâce à sa da'wa, et enfin comment il affirme son pouvoir (mulk), face à l'opposition croissante de la société.
[...] De plus, c'est le contrôle du pouvoir qui permet l'enrichissement, au Moyen-Orient. Le plus important est que cette industrialisation n'a pas entraîné la naissance d'une classe ouvrière à proprement parler. Donc le socialisme d'État, ou socialisme arabe, qui se retrouve en Égypte avec Nasser, et en Syrie et en Irak avec le Baas, n'est pas spécifiquement économique. Il n'est pas soutenu par une classe ouvrière qui le revendique, qui lui assure une base sociale. Mais c'est bien une idéologie politique, une volonté des dirigeants et des élites de mettre à l'écart la bourgeoisie et les classes dominantes (d'où un large programme de nationalisation). [...]
[...] L'État de barbarie Michel Seurat, Le Seuil L'État de barbarie, c'était la Syrie des années 1979-1982 telle que l'avait vue Seurat, sans complaisance et sans acrimonie. Un Seurat complètement immergé dans la société syrienne, en partageant la vie et la langue, épousant une chrétienne syriaque, parcourant le pays " au ras-du- peuple " –mais conservant intact son "esprit de méthode et d'organisation" qui, comme le dit M. Léopold Senghor, est le propre des intellectuels occidentaux C'est ainsi qu'est présenté l'ouvrage de Michel Seurat, dans Le Monde, quelques jours avant la parution de l'ouvrage, le 1er juin 1989. [...]
[...] Le jeu politique régional au Moyen-Orient est, pour Michel Seurrat, dominé par des bandes (nomos) déguisées en État. Pour lui, notamment en Syrie, l'appareil étatique n'existe pas. Le rôle principal est joué par la bande au pouvoir. À celle-ci, on peut donc aisément appliquer le modèle khaldounien : à un moment historique donné, une communauté (‘asabiyya) soudée par des liens de sang ou une similitude de destin, use d'une prédication (da'wa) religieuse ou politique pour prendre le pouvoir (mulk). Michel Seurrat analyse donc sur quels clivages se fonde la ‘asabiyya du pouvoir assadien de Syrie, de quelle manière il tente de se légitimer grâce à sa da'wa, et enfin comment il affirme son pouvoir (mulk), face à l'opposition croissante de la société. [...]
[...] Michel Seurrat présente deux visions différentes de la ville. Pour Weulersse, la cité islamique est une unité extra territorialisée, on y trouve une unité communautaire, qui fait de la ville un acteur historique (cf. la ville de Lattaquié). Pour Lapidus, la ville est traversée par les différents clivages de la société, l'État moderne ou la société globale a investi la ville, qui devient la scène où se produisent des acteurs sans spécificité urbaine. Avec la Première Guerre mondiale et le démantèlement de l'Empire ottoman, les villes secondaires sont passées sous la domination des capitales étatiques. [...]
[...] Cependant, la bande au pouvoir a conservé ses attaches rurales, qui constituent un lien fort entre eux, et n'a pas fait d'efforts pour s'implanter véritablement en ville. Par exemple, les partis politiques syriens inféodés au pouvoir recrutent peu dans les centres urbains. Le parti Baas demeure ainsi exclu de ce centre de prédication idéal qu'est la ville, et qui sera donc investi par l'opposition. Arrêtons-nous ici un instant sur la vision de la ville orientale que développe M. Seurrat, notamment dans la deuxième partie du recueil. [...]
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