La notion de pays émergents laisse encore rêveur. Le qualificatif, dans son sens le plus mélioratif, amène à penser qu'on aborde là des États qui convergent vers le modèle économique du Nord. Par ailleurs, on conçoit des États qui se désolidarisent entièrement des plus petits et des plus faibles, c'est-à-dire du Sud, pour mieux se rapprocher du Nord. Or, la dichotomie Nord/Sud qui entretient cette frange particulière est pernicieuse. Les États émergents, menés par le groupe des BRICS, ne cessent de porter leur regard vers le Sud, avec des visées qui leur sont propres. C'est un refus de l'impérialisme et de l'universalisme occidental qui caractérise spécifiquement les relations que ces États établissent avec leurs congénères du Sud, notamment africains.
[...] L'enjeu est donc de créer une véritable obédience du continent à l'égard des BRICS en sachant que le géant africain ne manque pas de ressources. Javier Santiso développe ce point en affirmant que l'Afrique est en passe de devenir la nouvelle frontière des marchés émergents (C. Jaffrelot, p.75). Par le truchement de leur politique en Afrique, les BRICS peuvent affirmer leur projet de South-South Cooperation, comme l'analyse The Rise of BRICS in Africa de Padraig Carmody, universitaire spécialiste de la politique économique en Afrique. [...]
[...] Carmody liste les raisons : valorisation d'un statut de puissance mondiale (Chine, Inde) ou régionale (Afrique du Sud), revalorisation d'un hard-power (Russie), solidarisation de la South-South Cooperation (Brésil). Il souligne que ce soutien ne se base sur aucune conditionnalité politique : la flexeconomy chinoise ou la puissance russe n'hésitent pas à traiter avec les États les plus autoritaires comme le Zimbabwe ou le Soudan, avec une influence adoucissante sur ces régimes notée par P. Carmody, mais démentie par R. Marchal. [...]
[...] Jaffrelot dans son introduction. III. Conclusion : un mode de diffusion des valeurs des BRICS prégnant en Afrique Ce mode de diffusion des valeurs se traduit par de grands bouleversements dans l'ordre mondial, à croire l'engouement de J-J. Boillot et S. Dembinski, même si aucun ouvrage ne s'attarde vraiment sur les sommets de coopération. Ils affirment même qu'il est très probable que la ligne de partage [du monde] passe par Chindiafrique (p. 335). P. Carmody va dans le même sens au terme de son analyse sans ce registre laudatif et prophétique : l'horizontalité des South-South Cooperations, bien que favorisant la croissance économique, entretiendrait également une certaine omerta sur certains régimes autoritaires et même un soutien de ces régimes. [...]
[...] Les pays émergents, Paris : Presse de Sciences Po p. La notion de pays émergents laisse encore rêveur. Le qualificatif, dans son sens le plus mélioratif, amène à penser qu'on aborde là des États qui convergent vers le modèle économique du Nord. Par ailleurs, on conçoit des États qui se désolidarisent entièrement des plus petits et des plus faibles, c'est-à-dire du Sud, pour mieux se rapprocher du Nord. Or, la dichotomie Nord/Sud qui entretient cette frange particulière est pernicieuse. Les États émergents, menés par le groupe des BRICS, ne cessent de porter leur regard vers le Sud, avec des visées qui leur sont propres. [...]
[...] Pour reprendre R. Marchal, il entérine une division du travail au désavantage du continent noir ainsi qu'une désindustrialisation progressive. Il dénonce en outre la médiocrité des infrastructures construites, la présence à tous les échelons de corruption et le vol du travail local par des Chinois déplacés. C'est un point de vue partagé par P. Carmody à travers le terme de flexeconomy puisque l'absence de conditions de la part de Pékin (à l'instar des autres BRICS) entretient ces troubles. La présence chinoise a créé, selon le président zambien Sata, des infectors not investors (P. [...]
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