Ce « champ de bataille » que Louis Laforge nous présente fait écho à une ville de Seattle en état de siège quelques mois plus tôt. Ces deux manifestations ont donné naissance à un mouvement global de protestation caractérisé par une vaste coalition de groupes disparates, une masse de manifestants pacifiques, des actions visant à bloquer l'organisation des sommets et la violence de quelques éléments radicaux.
Dix ans avant « la bataille de Seattle », Fukuyama concluait que « tout système viable qui puisse se substituer au libéralisme occidental a été totalement discrédité », ce au vu de la « victoire éclatante du libéralisme économique et politique ». Nous serions donc arrivé à la fin de l'Histoire, c'est-à-dire au « point final de l'évolution idéologique de l'humanité et l'universalisation de la démocratie libérale occidentale comme forme finale de gouvernement humain ».
Alors que les slogans altermondialistes déclarent qu' « un autre monde est possible » et qu'il faut « oser Bové », doivent-ils être considérés comme les derniers sursauts des irréductibles qui refusent d'admettre la victoire finale du libéralisme économique et politique ? Ou bien, au contraire, la pensée alter peut-elle être vue comme une tentative globale de réponse au « défi » de cette « fin de l'histoire » ? Fukuyama disait d'ailleurs : « pour réfuter mon hypothèse, il ne suffit donc pas de suggérer que l'avenir garde en réserve des événements énormes ; il faudrait démontrer qu'ils seront déclenchés par une idée systématique de la justice politique et sociale qui prétende remplacer le libéralisme ».
Pour répondre à cette problématique, nous allons nous appuyer sur les livres d'Antonio Negri et de Michael Hardt, Empire et Multitude : guerre et démocratie à l'âge de l'Empire. Mais avant de parler des livres et de leur contenu, deux mots sur les auteurs : le premier est italien. Révolutionnaire dans l'âme, beaucoup de détracteurs le comparent au docteur Jekyll et Mister Hide (même si en fait il a un faux air de Jean Picq). Antonio Negri est un homme politique et philosophe reconnu par ses paires tandis que Toni Negri est considéré comme le « cerveau » présumé des mouvements de lutte armée d'extrême gauche pendant les années de plomb en Italie. Il fera d'ailleurs plusieurs années de prison. Quant à Michael Hardt, il est beaucoup plus sage : il est professeur associé à la littérature à l'université de Duke aux Etats-Unis.
[...] Spinoza, anomalie singulière, s'oppose ainsi aux tendances hégémoniques de son temps, en politique comme déjà en métaphysique. En politique, il exige une présence active des sujets contre toute autonomie politique, restituant entièrement la politique à la pratique constitutive humaine. ( )Destruction de toute autonomie du politique, affirmation de l'autonomie des besoins collectifs de masses : telle est, loin de toute utopie, l'extraordinaire modernité de la constitution politique du monde selon Spinoza. (Antonio Negri, Spinoza subversif, chap. II, le traité politique ou la formation de la démocratie moderne éd. Kimé, p.30) c. [...]
[...] Ainsi, ils ont tendance à surestimer la réalité de la mobilisation altermondialiste et plus globalement, l'importance du rejet du capitalisme au sein de population. La crise de l'Empire qu'ils décrivent de manière assez vague n'est pas si évidente que ça, ou en tout cas elle ne remet pas en cause le consentement massif des Occidentaux au système. Il suffit pour s'en convaincre d'observer le vote du 22 avril dernier et la douche froide de la gauche antilibérale, qui avec cinq candidats culminent à seulement des suffrages exprimés, ou encore le vote républicain aux USA. [...]
[...] Le projet s'appelait Accord Multilatéral sur l'Investissement (AMI). Une horreur : il imposait le démantèlement des politiques publiques dans tous les pays afin de réaliser le rêve des firmes transnationales tel que formulé en 1995 par le président du groupe industriel helvético-suédois ABB : la liberté pour mon groupe d'investir où il veut, le temps qu'il veut, pour produire ce qu'il veut, en s'approvisionnant et en vendant où il veut, et en ayant à supporter le moins de contraintes possibles en matière de droit du travail et de conventions sociales. [...]
[...] Raoul Marc Jennar Sous le regard des médias, nous étions des anti, nous sommes devenus des alter. Qui sont donc les altermondialistes ? Qu'est-ce que l'altermondialisme ? Je remercie les organisateurs de ces journées d'étude de m'avoir offert l'occasion de proposer une réflexion à ce propos. Il s'agit bien d'éléments de réflexion et je ne prétends pas apporter ici une analyse achevée. Au contraire, je vous livre les bribes d'un regard qui est autant le regard sur une génération que le reflet d'une espérance qui n'a pas renoncé. [...]
[...] Au contraire, elles négocient les accords de l'OMC. La gauche plurielle de Lionel Jospin, qui va privatiser davantage que les gouvernements Juppé et Balladur réunis, incarne cet effondrement et cette impuissance nouvelle des pouvoirs publics en face d'un patronat qui a retrouvé l'arrogance d'autrefois. Tout se passe comme s'il devenait inéluctable de remettre en cause les acquis de 150 ans de luttes sociales et politiques. C'est dans ce contexte de démobilisation, de défaitisme et de résignation qu'émerge un phénomène nouveau. [...]
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