En octobre 1996, la revue Esprit publie un entretien avec Pierre Rosanvallon, réputé pour ses recherches sur la démocratie.
Pierre Rosanvallon rappelle le passage, au cours du 19e siècle, de la responsabilité personnelle à la responsabilité collective, parallèlement à l'avènement du parlementarisme. Cette responsabilité collective, dans par laquelle « on juge des politiques et non plus simplement des personnes », caractérise la démocratie de confrontation. S'y affrontent des partis, des programmes et des projets en compétition. Mais un certain malaise idéologique s'est installé au cours des dernières décennies, dont les scissions à l'intérieur même des différents partis sont emblématiques. Dès lors, les projets politiques deviennent moins facilement lisibles, et une personnalité politique représente souvent à elle seule un courant de son parti. En conséquence, il est devenu très malaisé de juger une politique sur le seul fondement d'un programme, et on en revient selon l'auteur à la responsabilité individuelle, à la démocratie d'imputation, célébrée par les médias : « la politique […] fonctionne comme une instance de tribunal où l'on évalue les mérites et les fautes des hommes politiques ».
[...] La disparition des classes sociales et structures organisatrices de la société rend ainsi les élites nécessaires, car elles possèdent la science des masses pour gouverner. La deuxième approche de la notion est politique, et elle réduit l'élite à une super-élite qui est celle de la poignée d'individus au pouvoir. Diagnostic : comment reconstruire l'Etat démocratique ? Pour reconstruire l'Etat, il faut abandonner l'idée que la politique peut céder la place à la gestion et reconstruire la dimension politique du pouvoir, en alliant connaissance et représentation. [...]
[...] Et il est vrai que les dirigeants politiques, dans leur origine sociale, dans leur parcours, ne sont pas représentatifs de la population. Dès lors peut se poser un problème de légitimité, à partir du moment où, de fait, une catégorie relativement homogène partage des intérêts communs et dispose du pouvoir décisionnel pour les protéger. Concernant les experts et les élites intellectuelles en lien avec la sphère politique, la question se pose avec d'autant plus d'acuité qu'elles disposent d'un savoir puissant et nécessaire à l'action publique. [...]
[...] Celle-ci aussi, en n'ayant pas été suffisamment théorisée, a pu se développer sans les limites que lui aurait imposées une théorie poussée de l'administration. Les critiques de l'élite Dès le 19e siècle s'exprime une crainte du caractère incontrôlable de l'expert, crainte des libéraux d'une caste détentrice du pouvoir Cependant, c'est depuis peu que cette critique de l'élite en tant qu'expert au pouvoir s'exprime avec autant de véhémence, en particulier avec ce que Rosanvallon nomme le désenchantement vis-à-vis de la raison qui remet en cause ce culte du gouvernement rationnel. [...]
[...] Cet intérêt général est déterminé objectivement, par la raison, et non par la confrontation, d'où l'importance dès le début d'une élite unique. Le savant et l'expert sont ainsi devenus la clé de la modernité démocratique en France. Plus généralement, c'est la culture politique française qui détermine l'état actuel de l'élite, et tout particulièrement le rapport entre pouvoir législatif et pouvoir exécutif ainsi qu'entre classe politique et administration : pouvoir exécutif et administration sont ainsi des puissances impensées En effet, la tradition philosophique et politique du 19e siècle théorise et légitime le pouvoir législatif. [...]
[...] Les élites françaises, la démocratie et l'Etat, Pierre Rosanvallon En octobre 1996, la revue Esprit publie un entretien avec Pierre Rosanvallon, réputé pour ses recherches sur la démocratie. Explication L'analyse historique d'une crise de l'élite L'élite française telle qu'elle est aujourd'hui résulte selon l'auteur des transformations de la démocratie française. Celle-ci a suivi selon l'auteur trois moments de déconstruction : Le passage d'une démocratie de confrontation à une démocratie d'imputation Pierre Rosanvallon rappelle le passage, au cours du 19e siècle, de la responsabilité personnelle à la responsabilité collective, parallèlement à l'avènement du parlementarisme. [...]
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