A partir de deux articles de Marcel Gauchet : « Les droits de l'homme ne sont pas une politique » et « Quand les droits de l'homme deviennent une politique », La démocratie contre elle-même, Paris, Gallimard, coll. « tel ».
Dans le premier article, paru en 1980, Marcel Gauchet cherche à montrer en quoi les droits de l'homme ne sont pas une politique. Le totalitarisme (soviétique) est alors en plein déclin et ses détracteurs de plus en plus nombreux. La question du sens de la société et du vivre-ensemble se pose alors qu'il ne semble plus y avoir de concurrence aux valeurs de la démocratie libérale. En effet, la thématique des droits de l'homme a la particularité de penser l'individu contre la société et contre l'Etat. En ce sens les droits de l'homme ne sont qu'une « dynamique aliénante de l'individualisme ». Marcel Gauchet ne les considère donc pas comme une politique. Les droits de l'homme ne parviennent pas à fournir un schéma directeur de vie collective. En se focalisant sur l'individu-sujet de droit, ils s'opposent à la nécessité d'être-ensemble. En 1980, l'auteur ne parvient pas à déceler le futur succès des droits de l'homme. Il reste alors dans la logique d'affrontement intellectuel de la fin de la guerre froide et n'imagine pas une désagrégation totale de l'Union Soviétique.
Le deuxième article de Marcel Gauchet est une réponse réactualisée au lien entre droits de l'homme et politique. L'auteur inscrit alors la logique interne des démocraties occidentales dans leur rapport à la déclaration « fondationnelle » de 1789. Pourtant, il oublie que le politique n'est pas uniquement gestion et organisation de la Cité. Il est aussi capacité à protéger la Cité, c'est-à-dire désigner l'ami et l'ennemi. Comme le souligne Gauchet, les droits de l'homme servent comme outil d'intégration au sein du capitalisme libéral. Mais ils possèdent aussi une fonction discriminatoire dans le cadre des rapports internationaux. Cette dimension est présente dès le début lorsque l'Empire napoléonien engage la lutte, au nom des principes révolutionnaires « éclairés », contre les puissances « obscurantistes » d'Ancien Régime.
[...] Ce renouveau du droit va aller de pair avec une éclipse du politique et du social-historique. Pour Marcel Gauchet, la force des droits de l'homme réside dans sa capacité de substituts des discours politiques et sociaux obsolètes. Cette éclipse ne signifie pas pour autant disparition complète des deux éléments. Ceux-ci perdent uniquement leur aura magique leur prestige. L'après-1945 fut pourtant leur âge d'or avec la constitution des sociétés les plus intégrées et les plus homogènes de l'histoire de l'humanité. Les démocraties libérales occidentales développèrent un puissant Etat social et d'importantes capacités de planification. [...]
[...] Voir la réflexion de Bourdieu sur la télévision et les médias. [...]
[...] Il y a aujourd'hui revendication sans limite de l'individu de droit dans l'exercice de la démocratie. Cela pose problème mais montre que les droits de l'homme sont devenus une politique. La logique des droits de l'homme fonctionne comme une idéologie dans la mesure où elle est capable de fournir une explication de soi et une perspective d'action sur soi. Mais cette vision n'est que sélective. Elle porte sur l'individu dans la société sans apporter de réponse pour la société des individus Cela explique le mélange d'efficacité et d'impuissance de l'idéologie des droits de l'homme. [...]
[...] On peut donc distinguer trois vagues dans la Modernité, pensée comme le processus de sortie de la religion Le passage de l'hétéronomie à l'autonomie s'est fait à travers trois axes de renversement de l'organisation des humains. Tout d'abord, une phase de redéfinition du politique de 1500 à 1650. Se fait alors la déliaison du Ciel et de la Terre L'homme ne reçoit plus sa loi des Dieux mais de lui-même. Ainsi apparaît l'Etat-Nation, permettant l'autosuffisance de l'humanité. Cette période marque un nouveau type de communauté humaine. [...]
[...] L'émergence des droits de l'homme coïncide avec la plus grande période de paix et de prospérité jamais connue. Le processus d'individualisation est loin d'être universel et nombre de personnes vivent dans des sociétés hiérarchiques et autoritaires. L'idéologie unique, invoquée par Marcel Gauchet, tend donc à la ré-historisation des droits de l'homme. Comme l'énonce le communautarien Michael Walzer, on peut sans doute trouver derrière chacune des morales particulières de l'humanité un socle commun, c'est-à-dire un ensemble de préceptes fondamentaux formant la vision du juste. [...]
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