L'ouvrage "Droit naturel et Histoire" est particulier dans la mesure où il est en grande partie composé de commentaires d'auteurs ayant traité du thème du droit naturel. Après quelques notes introductives et une critique de l'historicisme, le propos de Strauss découle ou s'appuie sur des visions du droit naturel qui ne lui sont pas propres.
On peut ainsi lire des explications sur les conceptions diverses de Platon, d'Aristote, de Thomas Hobbes, de Locke, de Rousseau, de Burke... mais il n'est pas toujours aisé de discerner le point de vue de l'auteur. Ces conférences données par Strauss en 1949 ont clairement pris le parti "du détachement et de l'impartialité". Strauss écrit ici en professeur, en dialecticien. Et s'il défend clairement le droit naturel face à l'historicisme, sa position personnelle sur ce qu'il entend par droit naturel n'est pas dès plus explicite.
Il ne développe pas de thèses propres, ne prend pas un parti net, mais présente le cheminement intellectuel du droit naturel. Ensuite, il faut noter une identité assez répandue entre droit naturel et régime politique de la société civile. Si le droit naturel doit avoir une influence primordiale sur l'organisation conventionnelle de la société, la vision que l'on en a possède des implications indéniables sur le fonctionnement politique de la société. C'est ici que réside l'intérêt primordial de la lecture de cet ouvrage dans une optique constitutionnelle.
Le droit naturel chez Strauss est une notion plus large que la simple énumération de quelques droits imprescriptibles et inaliénables de l'homme et s'étend aux principes politiques fondamentaux d'une société. Les différentes facettes du droit naturel sont autant de facettes de constitutions politiques possibles et souhaitées. Étudier le droit naturel, c'est par la même occasion étudier les organisations politiques qui s'y rattachent.
[...] On voit clairement la faillite du droit naturel dans cette conception. Décréter qu'on ne peut pas accéder à des vérités fondamentales, c'est refuser l'accès au droit naturel à l'homme. On peut pourtant se demander si Strauss ne va pas trop loin dans sa critique. Il semble clair que vouloir prédire l'avenir à travers d'hypothétiques lois de l'histoire semble d'une grande fatuité. Dire que la multiplicité des droits positifs est la démonstration que le droit naturel n'existe pas n'est pas un argument valable. [...]
[...] Il est garant de la loi du sage, l'applique, la complète si cela est nécessaire et ce sans contrôle. C'est un régime de confusion des pouvoirs aristocratique renforcé par un assentiment démocratique minimal qui n'a comme seul fin d'assurer une stabilité du régime. De plus, cet assentiment démocratique est initié par le régime. Il s'apparente à un simple procédé de légitimation de la domination. On ne prend pas en considération la possibilité d'un refus par les citoyens de la loi du sage car " ce code, qui est pour ainsi dire l'expression de la sagesse doit être aussi peu altéré que possible Ce régime légitimé par l'ordre naturel n'est tenable que s'il on considère les sages comme infaillibles, incapables de dérive allant à l'encontre du bien commun. [...]
[...] La logique classique du droit naturel peut être poussée plus loin. C'est une vision d'une nature inégale de l'homme dans une perspective téléologique. Les hommes possèdent des natures différentes et sont, par conséquent, plus aptes par nature à s'adonner à certaines activités que d'autres. La philosophie n'échappe pas à cette règle. Suivre la logique du droit naturel inégalitaire jusqu'à son terme, c'est accepter que la philosophie doit être une matière fondamentalement ésotérique accessible à une minorité apte à accepter ses enseignements. [...]
[...] Philosopher, c'est savoir que l'on ne sait pas. La philosophie est prise de conscience des problèmes fondamentaux Cependant, toujours avec Karl Popper, on pourrait souligner que le système philosophique de Platon, symbole antique par excellence, peut être considérer comme historiciste dans la mesure où il serait centré sur une loi naturelle d'évolution du monde. De plus, la recherche de scientificité n'implique pas un relativisme total et nocif. Bien au contraire, les sciences humaines ou herméneutiques opposées aux sciences formelles sont bien les sciences qui fondent la scientificité de leurs connaissances sur la légitimité de leurs interprétations. [...]
[...] Le caractère révolutionnaire de sa doctrine de la propriété ( . il l'a pourtant mise assez clairement en lumière Strauss adopte t'il les même méthodes ? Doit-on lire sa présentation du droit naturel classique comme une défense de l'aristocratisme et de l'élitisme philosophique ? Il est malaisé d'y répondre mais il est certain que Leo Strauss apparait désormais comme un auteur particulièrement troublant. Si Strauss défend le droit naturel classique, il doit s'opposer à la rupture moderne. Comment est-elle caractérisée et que peut-on en penser ? [...]
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