La tendance actuelle à l'internationalisation et à l'interdépendance conduit à s'interroger sur le mode de régulation des sociétés, car celui-ci exerce une influence sur leur capacité d'innovation, leur vitalité et donc sur leur adaptation à ce nouvel environnement mondial. En France le mode de régulation est étatique, c'est-à-dire que la société est entièrement structurée par et autour de l'Etat.
Ce modèle donne des signes d'épuisement, la critique de l'État (nourrie par les excès de l'État socialiste) étant redevenue un thème important de la vie politique, et l'on observe une évolution lente vers un autre grand modèle de régulation : une autorégulation de la société civile où celle-ci est plus autonome, mais aussi plus mature par opposition à la première qui paraît infantilisée.
Ce modèle autorégulé, qui convient à la définition de “l'ordre spontané ” de Hayek, est celui des États-Unis. Son instrument principal est le système juridique qui définit les compétences respectives et les relations entre les divers acteurs, État compris. Ainsi, la société et l'État américains sont entièrement immergés dans le droit et la santé de la démocratie n'en est que meilleure.
[...] Chapitre VI La critique actuelle de l'État en France entraîne une prise de conscience par la société de l'épuisement d'un mode de régulation multi-séculaire sous l'effet de l'internationalisation et de la concurrence étrangère. Les États- Unis rencontrent ce problème à moindre échelle. La réglementation interne et la compétitivité sont liées. Ainsi, la société française d'un tempérament passif est moins compétitive que la société américaine plus dynamique et donc mieux pourvue en rapport avec les mutations de l'économie mondiale, alors qu'en France et en Europe les règles juridiques et fiscales sont des obstacles à cette adaptation à l'économie. [...]
[...] La place du droit (la plus menue) dans le système politique français est clairement définie par la Constitution de la Ve République : c'est une autorité sous la tutelle de l'exécutif, de même que celui-ci supplante le pouvoir législatif. L'exécutif français est donc prédominant contrairement à son homologue américain dont le pouvoir est limité par celui du juridique, de puissance égale au législatif, qui lui est supérieur. La fonction juridique américaine est le contrôle de la constitutionnalité des lois ; en France si ce contrôle est grandissant il demeure fermé au citoyen, limité dans le temps et la promulgation de la loi reste inattaquable, en raison de la tradition républicaine, de la Constitution elle-même et d'un manque d'efficacité lié à un exercice priori c'est- à-dire antérieur à la promulgation de lois. [...]
[...] Les conflits nés du nouveau contexte mondial sont illustrés par les problèmes d'interface c'est-à-dire de correspondance et de compatibilité entre des systèmes nationaux différents, mais appelés à communiquer et dont la solution ne se trouve pas dans une régulation de l'économie (par l'élaboration d'accords internationaux par exemple). En effet les particularismes du système politique, économique et judiciaire américain et français s'opposent dans certains domaines et peuvent donner lieu à des tensions d'ordre idéologique derrière leur caractère apparent de conflits commerciaux ou industriels (ainsi, les États unis supportent mal la présence dans le monde de multinationales françaises, identifiées comme des groupes nationalisés, et qu'ils considèrent comme les moyens d'une concurrence déloyale). [...]
[...] Le nouveau mode d'organisation de la société doit être fondé sur la dissémination du pouvoir et sur un système juridique de plus en plus évolué. En cela l'appartenance de la France à la l'Union européenne intervient, car celle-ci est l'occasion d'un contrôle de constitutionnalité beaucoup plus étendu que ne le laisse faire l'État français. Bien que les conséquences de cette appartenance puissent être aussi préoccupantes, l'entrée de la France dans la CEE a ouvert la brèche à la pénétration d'une culture juridique au sein de l'environnement institutionnel français aussi la France est-elle appelée à conférer à la règle de droit, dont il s'agit de restaurer le jeu, une place plus importante qu'auparavant parallèlement, à une délimitation ou inversion de la relation hiérarchique entre l'État et la société. [...]
[...] Le pouvoir des lawyers est à la mesure du rôle du droit dans la vie politique, économique et sociale et ils sont les interlocuteurs privilégiés des dirigeants économiques des autres pays. En France, l'absence d'une classe juridique homogène, structurée ou consciente de sa mission spécifique se remarque d'autant plus. Le droit paraît en effet marginalisé, sa définition reste floue (elle renvoie partiellement à l'activité des juristes), et la profession juridique est peu prestigieuse, le domaine juridique étant soumis à d'autres instances hiérarchiques (particulièrement dans la vie économique, ce qui s'avère d'ailleurs problématique), alors que les juristes américains sont associés à la prise de toute décision. [...]
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