Jean Jaurès a alors 34 ans (il est né le 3 septembre 1859 à Castres). Normalien, agrégé de philosophie, il est issu d'une famille de la petite bourgeoisie tarnaise. Il s'engage dans la politique en 1881 et est élu député centre gauche en 1885 : de son propre aveu, il ignore encore tout du socialisme, qu'il découvre alors et pour lequel il se passionne. En 1889, victime du scrutin de circonscription, il n'est pas réélu : professeur à l'université de Toulouse, il se consacre, quatre années durant, à l'étude des premières manifestations du socialisme allemand dans la philosophie. Le 20 janvier 1893, élu député du Tarn dans la circonscription de Carmaux, il a achevé sa radicalisation et est devenu un socialiste engagé.
Moins d'un an après, le 21 novembre 1893, il prononce un discours devant la Chambre des députés. Ce discours a une double fonction : la réponse à une déclaration du Président du Conseil, véritable déclaration de guerre au socialisme, sert en fait d'occasion pour développer un véritable manifeste de ce mouvement politique.
[...] Le style de ce discours mérite que l'on s'y arrête. Nul n'a peut-être mieux décrit ce style que Georges Bourgin, ami de Jean Jaurès et historien spécialiste du parti socialiste, dans la conclusion à un recueil de discours (bibliographie) : Moi, qui ai connu Jaurès, ( ) je le vois en fait, dominant, essayant de dominer l'océan, de lutter avec la voix de celui-ci, expression de la force brutale, avec sa propre voix, expression magnifique de l'intelligence, en luttant, avec quelle obstination contre les forces du mal social et politique qui menacent et écrasent les pauvres humains. [...]
[...] Vous avez proclamé que la seule raison suffisait à tous les hommes pour la conduite de la vie : phrase caractéristique du positivisme, très répandu en ce XIXème siècle finissant. Cf. Auguste Comte qui disait : Dieu n'est pas plus nécessaire au fond pour aimer et pour pleurer que pour juger et pour penser La misère humaine ( ) réclame aujourd'hui ( ) sa large place au soleil du monde naturel : on est tenté de voir là une allusion à l'état de nature de Rousseau, état où la propriété et, par conséquent, l'inégalité, n'existent pas. [...]
[...] Apparaissent alors de timides réformes, tel le revirement de jurisprudence, en 1891, qui fit enfin peser la responsabilité des accidents du travail sur le patron. C'est là le début d'une lente naissance du droit du travail. Face à cette paupérisation du monde ouvrier, un nouveau mouvement politique apparaît : il s'agit du socialisme, qui s'assigne pour tâche de défendre le prolétariat ouvrier et paysan contre l'exploitation des capitalistes. La deuxième Internationale, fondée à Paris en 1889 regroupe tous les mouvements ouvriers s'inspirant de la pensée de Marx et Engels (Manifeste du parti communiste, 1847). [...]
[...] Les réactions parmi les députés étaient prévisibles : les députés de l'extrême gauche, mais aussi de l'extrême droite, applaudissent ; tandis que ceux du centre manifestent leur indignation. Quant au public, aura-t-il été convaincu ? Rien n'est moins sûr. D'abord parce que Jaurès n'était pas encore très célèbre. Le discours est écouté d'une oreille sans doute distraite par des députés ; la retranscription et, éventuellement, les articles de journaux le traitant, ne seront lus que par une élite, et non par le prolétariat ouvrier ou paysan que Jaurès entend défendre. [...]
[...] Il s'agit de poursuivre la Révolution pour que la République des textes Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune. devienne plus qu'une chimère. Le socialisme ne remet pas en cause la Révolution ; il considère qu'elle n'est pas terminée et qu'il faut donc la poursuivre. C'est pour cela que la République sort du mouvement républicain : à mettre en relation avec la République que vous avez fondée (l. 4). [...]
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