Albert Hirschman définit le thème de l'ouvrage dans l'avant propos: il va tenter « une analyse à froid, purement historique et logique, des types de discours, de raisonnement et de rhétorique » utilisés dans le camp réactionnaire ou conservateur. Appartenant au camp opposé libéral progressiste, il n'a pas ici pour vocation de réfuter les arguments réactionnaires mais seulement de montrer « les impératifs de raisonnement », c'est-à-dire les méthodes couramment utilisées par les réactionnaires pour contrer la thèse progressiste.
[...] Ainsi, il n'y a pas de différence entre démocratie, oligarchie, ploutocratie puisque le rapport dominants/dominés est toujours présent. Le suffrage universel est donc inutile car le vote est impuissant à changer la structure réelle du pouvoir et la répartition des revenus sera toujours la même. Michels ou Ostrogorski vont également reprendre cette thèse sous les formules de loi naturelle ou loi d'airain Enfin, l'inanité est également utilisée pour remettre en doute la portée réelle de l'Etat Providence sur les plus démunis. [...]
[...] La thèse de l'effet pervers, développée dans le second chapitre, consiste à avancer que les mesures destinées à faire avancer le corps social dans une certaine direction le feront effectivement bouger, mais dans le sens inverse Ainsi, tout a l'effet contraire au but recherché : le combat pour la liberté conduit à l'esclavage, celui pour la démocratisation à la tyrannie et les mesures de protection sociales étendent la pauvreté. L'influence de cette thèse s'explique de deux façons. La première est la croyance commune des intellectuels du XVIII° siècle, selon laquelle il y a des effets non voulus de l'action humaine : la philosophie des Lumières et la célèbre théorie de la main invisible d'Adam Smith en sont l'exemple parfait. [...]
[...] Dans le troisième chapitre, HIRSCHMAN s'intéresse à la thèse de l'inanité. Selon celle-ci, toute tentative de changement est mort-née, tout prétendu changement n'est, n'a été ou ne sera en grande partie que dehors et façade Si elle paraît plus douce et plus modérée que la précédente, il n'en est rien : elle enlève tout espoir de progrès, humilie et démoralise les acteurs du changement dont l'entreprise n'a plus aucun sens. Ainsi, Tocqueville remet en doute le changement et la rupture brutale attribués à la Révolution Française : selon lui, de nombreuses conquêtes vantées de la Révolution étaient déjà acquises avant 1789, comme la centralisation administrative. [...]
[...] Dans le chapitre cinq, l'auteur reprend les trois thèses et les confronte. Il étudie d'abord leur influence. Il semble en effet que chaque thèse ait une sphère d'influence privilégiée: ainsi, l'effet pervers est l'argument le plus efficace concernant la critique de l'Etat Providence (l'aide aux pauvres ne fait qu'aggraver la pauvreté) et de la Révolution française (les bouleversements qui ont suivi 1789 renforcent l'idée d'effet pervers) ; en ce qui concerne la démocratie, ce sont les arguments de l'inanité et de la mise en péril qui ont été le plus convaincant. [...]
[...] Au 20ème siècle, c'est l'Etat providence qui est accusé de mettre en péril la liberté en même temps que la démocratie. C'est ce que Hayek tente de démontrer dans La Route de la servitude : tout ce qui tend à élargir le champ d'action des pouvoirs publics ne peut que menacer la liberté. En effet, la propension d'un pays à la servitude est en fonction monotone croissante de l'étendue du champ d'action de l'Etat En réalité, l'Etat providence obtient un consensus jusqu'à la fin des Années 60, période où on commence à l'accuser de faire obstacle à la croissance économique (James O'Connor) ; très vite, on va accuser l'Etat providence d'être devenu un obstacle pour la démocratie, l'ébranlement des fondements du capitalisme l'ayant déstabilisée. [...]
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