A la rentrée 2007, Marcel Gauchet publie un ouvrage intitulé La démocratie d'une crise à l'autre. L'historien et philosophe français a l'ambition d'y concentrer la substance de ses analyses développées dans les quatre volumes de L'avènement de la démocratie, dont les deux premières parties, La Révolution moderne et La crise du libéralisme paraissent concomitamment. Marcel Gauchet est actuellement directeur d'études à l'École des hautes Etudes en Sciences Sociales, au Centre de recherches politiques Raymond-Aron et rédacteur en chef de la revue Le Débat.
Quant il publie son ouvrage à l'automne 2007, l'historien se situe dans la mouvance de la recherche française, confrontée à la crise de la démocratie représentative. Ainsi que le met en évidence Pascal Perrineau, la montée de l'abstentionnisme, les succès électoraux des partis extrêmes, l'érosion des clivages politiques ou encore la distension des liens aux partis et syndicats témoignent d'une remise en cause du fonctionnement de nos institutions. Se mettant au chevet d'une démocratie en crise, Marcel Gauchet confronte les difficultés actuelles à celles que l'on a connues lors de la première crise de la démocratie, dans l'entre-deux guerres. Il s'attache à identifier les trois vecteurs spécifiques (juridique, politique et historique) de la sortie de la religion, de l'avènement d'une Démocratie des Modernes. C'est la combinaison de ces trois éléments, et leur plus ou moins fragile équilibre qui caractérisent notre démocratie et par ailleurs qui la déstabilisent.
[...] "Une démocratie minimale" Cela a pour conséquence de fonder une "démocratie minimale". C'est la conversion des libertés individuelles en autogouvernement de l'ensemble qui fait défaut. Les droits et libertés fondamentaux restent seuls guides orientant la démocratie. En France, ce déséquilibre s'est ressenti plus qu'ailleurs du fait de la tradition d'une démocratie du public très ancrée. Il y a éclipse du pouvoir de tous au profit du pouvoir de chacun. "La communauté politique cesse de se gouverner. Elle devient au sens strict, une société politique de marché". [...]
[...] "La démocratie des droits de l'homme" La démocratie devient véritablement une démocratie des droits de l'homme, non plus abstraits, mais concrétisés par l'action politique. Il y a notamment émergence des droits sociaux au sein de l'État-providence. Les droits de l'homme déterminent l'action collective. Dès lors, la notion de démocratie ne renvoie plus qu'aux libertés personnelles. Elle ne renvoie plus à la puissance collective et à la capacité d'autogouvernement. C'est le "retournement de la Démocratie contre elle-même". La notion de démocratie a été emportée par sa vision libérale. [...]
[...] "L'expansion de l'autonomie" La crise liée au choc pétrolier de 1973 dissipe les promesses totalitaires et révolutionnaires. Mais l'esprit des mesures de déréglementation et libéralisation économique va gagner la sphère politique. La dimension libérale reprend le dessus mettant en danger le fragile équilibre entre dimension démocratique et dimension libérale que l'on pensait acquis. Il y a relance du processus de sortie de la religion. Le subtil équilibre entre les trois vecteurs de la modernité est remis en cause, celui du droit semble l'emporter sur les autres. [...]
[...] Même s'il n'y a plus d'ennemi de la démocratie au sens d'adversaires opposés à son principe, qui œuvrent à la détruire, il y a crise, car la réalité de la démocratie est mise en question de l'intérieur. Il s'agit d'une crise de croissance en tant que crise de développement, le "processus endogène d'expansion et d'explicitation" entraîne aujourd'hui des déséquilibres qui mettent en péril la démocratie. "L'autonomie moderne La démocratie des modernes, c'est l'expression de la sortie de la religion donc de l'hétéronomie. C'est le triomphe de l'organisation humaine-sociale autonome. C'est la forme politique de cette autonomie. [...]
[...] Le projet de Gauchet peut se définir comme une reconceptualisation de la démocratie, du point de vue d'une anthropologie historique, qu'il donne à comprendre comme régime mixte C'est la forme de l'être-ensemble autonome, sorti de la religion s'organisant par la maîtrise du droit, du politique, et de histoire entendue comme devenir-générateur Il croise ainsi l'échec toujours possible de ce devenir-humain, de la maîtrise conjointe de ces trois dimensions fondamentales de l'humain-social hors religion. Les tragédies du XXe siècle y sont analysées comme réponse à la première crise de croissance des jeunes démocraties libérales. Le point le plus délicat est peut-être cette idée de sortie du politique proclamée comme une évidence au long de l'ouvrage. La notion d'autonomisation des individus et de la société, la sortie de l'état d'hétéronomie qu'induisait la religion mériteraient certainement d'être explicitées. [...]
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