Stephen Breyer est l'un des neuf juges actuels de la Cour suprême des États-Unis depuis sa nomination à vie en 1994 par le président Bill Clinton. Il faut rappeler que cette fonction est sans équivalence aucune avec les « sages » que sont nos membres du conseil constitutionnel dans l'hexagone. En effet, comme le soulignait déjà Tocqueville, la Cour suprême américaine est la plus haute juridiction des États-Unis et constitue l'un des piliers majeurs de la démocratie américaine.
De ce fait, Breyer jouit d'une grande influence qui s'exerce aussi bien dans son pays que parmi la communauté juridique internationale. On peut donc le considérer comme l'un des plus grands maîtres à penser de la doctrine juridique actuelle. Mais celui qu'on appelle couramment « Mister Justice » exerce également une magistrature intellectuelle dans le domaine politique. Le propos de Breyer dans ce livre est d'ailleurs bien plus politique que juridique.
[...] Il doit aussi faire attention aux conséquences, aux effets pratiques de sa décision au regard des intentions du texte. Breyer rappelle que ces deux approches comportent toutes deux un risque de déviance. Dans la première, l'écueil à éviter est celui du juge rigide tandis que dans la seconde, c'est celui du juge subjectif Mais il explique que sa théorie d'interprétation de la Constitution est tout de même souhaitable et que les reproches qui lui sont faits (porte ouverte à la subjectivité et danger pour la sécurité juridique) ne l'invalident pas. [...]
[...] Il donne l'exemple de la célèbre affaire Plessy v. Ferguson qui avait légalisé la ségrégation raciale en se basant sur le principe séparés mais égaux Par la suite, les décisions des juges (qui se fondaient cette fois-ci sur les objectifs du XIVe amendement de la Constitution et non plus le texte uniquement) sont allées dans le sens contraire (contre la ségrégation), ce qui a profondément modifié le droit. Or, personne ne peut dire qu'un tel revirement constitue un danger pour la sécurité juridique. [...]
[...] Celle-ci institue en effet un régime fondamentalement démocratique. Certains comme John Adams y ont vu une forme de gouvernement mixte avec une branche démocratique (la Chambre des représentants), une branche aristocratique (le Sénat) et une figure monarchique incarnée par le président. Mais Breyer rappelle que cette conception était très minoritaire au moment où la Constitution a été ratifiée. Bien au contraire, les historiens ont montré que le peuple américain était convaincu de la nécessité que le régime postrévolutionnaire soit fondé sur des principes démocratiques. [...]
[...] En France, c'est longtemps la liberté des Anciens qui a dominé puisque la loi, en tant qu'expression de la volonté générale, ne pouvait être annulée par un juge en se référant aux libertés individuelles censées être garantis par la Constitution. Ce n'est que la création tardive d'un Conseil constitutionnel qui a permis ce recours. En revanche, aux Etats- Unis, c'est tout l'inverse : le contrôle de constitutionnalité des lois est ancré dans une longue tradition et aujourd'hui, on craint même un gouvernement des juges (Edouard Lambert) qui met à mal la liberté démocratique (la possibilité pour les citoyens de se doter de lois). [...]
[...] Les mœurs en tant qu'habitudes du peuple ont une valeur démocratique qu'il faut prendre en compte. D'autre part, dans un monde de plus en plus globalisé, Breyer prend en compte dans ses décisions à la Cour suprême des décisions prises sur des affaires similaires dans d'autres pays. Il mêle donc droit américain et droit étranger et pense d'ailleurs que sa méthode d'interprétation est exportable. En définitive, on remarque qu'il espère ainsi une harmonisation internationale du droit pour s'acheminer vers un droit plus efficace et peut-être aussi plus humain Pourquoi ce livre est-il tout particulièrement intéressant ? [...]
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