L'apprentissage des techniques de communication, l'entraînement à l'utilisation des médias et à la préparation d'interviews ou de déclarations devant micros et caméras, en circuit vidéo fermé, bref ce qu'on appelle le mediatraining, restent largement des sujets tabous. La grâce divine de la télégénie atteindrait naturellement le monde politique.
Combien de personnes un homme politique peut-il toucher en même temps dans un meeting ? Cinq mille ? Cinquante mille ? Peut-être cent mille porte de Versailles, un jour particulièrement faste ? Et encore s'agit-il là des militants, des sympathisants, bref des « convaincus». Mais, avec une émission de télévision, le public, brusquement, se chiffre en millions.
La télévision, ce sont des paroles, mais avant tout des images. Composer un discours, cela, l'homme politique sait le faire. Parler à une tribune est pour lui, et depuis l'Antiquité, un exercice classique. Mais la télévision est le média de l'intime et de l'émotion. L'homme politique s'invite dans chaque foyer ; derrière l'écran, il y a un téléspectateur qui le regarde dans les yeux. Et là, le savoir-vivre télévisuel impose des règles strictes. Ne pas l'indisposer, ni par le regard, ni par le geste, ni par le ton. Ne pas l'agresser, ne pas l'ennuyer, ne pas le choquer et, surtout et toujours, paraître sincère et naturel.
Communiquer suppose un échange. C'est là que la communication politique se différencie de la propagande. La première n'est pas la version adoucie, policée, repeinte aux couleurs publicitaires de la seconde, comme on le croit trop souvent. De même, la propagande ne s'identifie pas nécessairement au mensonge et au totalitarisme, même si elle peut y conduire. La communication politique, c'est d'abord la recherche d'un dialogue avec l'opinion publique, d'un échange permettant d'établir avec elle un contrat fondé sur la confiance.
Première idée, largement répandue, l'influence des Etats-Unis. La communication politique, pur produit d'importation américaine ? Au fond, cette question en cache une autre, celle de la transformation de la vie publique par la communication. C'est vrai, des hommes politiques ou leur entourage, fascinés par le modèle américain, subjugués notamment par le mythe Kennedy, sont allés chercher des recettes de l'autre côté de l'Atlantique ou ont lu avidement des récits sur les campagnes électorales américaines pour y puiser des « trucs » adaptables à la situation françaises. En fait, la communication politique, en France, est née puis s'est préalablement développée sans le secours du laboratoire américain
Deuxième idée, la pratique de la communication politique serait le fruit de théories solidement élaborées, aux Etats-Unis
Troisième idée : la communication politique serait apparue il y a vingt ou vingt-cinq ans, mais il ne faut pas succomber au charme de la nouveauté. La période qui relie les années 1930 aux années 1960 est, en quelque sorte, le temps des pionniers. Des hommes comme André Tardieu, le général de Gaulle ou Pierre Mendès France se familiarisent avec la TSF. Après des débuts difficiles, ils finissent par dominer 1'outil jusqu'à ce qu'un autre apparaisse : la télévision.
[...] Alors, on commence à s'interroger : le marketing peut-il influencer l'opinion ? Et si la télévision faisait l'élection ? White qui a suivi Kennedy pendant sa campagne publie The making of a president. Ce qui frappe le plus, c'est la montée en notoriété du candidat grâce à une équipe de conseillers en marketing, tandis que les sondages forgent l'image de l'homme neuf, porteur du rêve américain. Ce qui marque, c'est l'art de communiquer de Kennedy et notamment sa maîtrise de la télévision pour s'adresser aux électeurs. [...]
[...] De Gaulle explique, éclaire, justifie au besoin sa politique ; il se fait grand pédagogue de la nation. Mais il prend garde à ne jamais se montrer ennuyeux. Il n'ignore pas, combien les journaux sont friands des formules L'humour est l'une des armes favorites de Gaulle lors de ses conférences de presse : les journalistes comme les téléspectateurs attendent la saillie ironique, le bon mot amusant qui constituera le clou de la représentation, En septembre 1965, il lance, avec un clin d'œil complice, pour couper court aux critiques sur le pouvoir personnel : Qui a jamais cru que le général de Gaulle devrait se contenter d'inaugurer les chrysanthèmes ? [...]
[...] Les Français le comprennent dès le jour de son intronisation. Alors que les présidents, en habit de cérémonie, ont l'habitude de descendre les Champs- Élysées en voiture découverte après avoir ranimé la flamme du Soldat inconnu sous l'Arc de triomphe, Giscard, lui, vêtu d'un simple costume de ville, se fait déposer au carrefour George V pour remonter l'avenue symbolique à pied, saluant la foule qui l'acclame. Le 24/ il invite les éboueurs à prendre de l'Elysée à prendre leur petit déjeuner à l'Elysée. [...]
[...] Bref, la preuve lecanuet de la toute-puissance de la télévision comporte quelques fragilités. En revanche, on peut dire que Lecanuet a gagné, sinon la bataille de la communication, du moins celle de la notoriété, de la médiatisation, de l'intérêt de l'opinion. V. Georges Pompidou, le sourire de Monsieur Tout-le-Monde La familiarité avec les Français, c'est important, à condition que tout le monde puisse la voir en action au journal de 20 heures Pompidou n'a pas besoin de conseil en communication. [...]
[...] Le verre de lait de PMF Automne 54, campagne contre les bouilleurs de cru, PMF fait passer en force des décrets antialcooliques : augmentation des taxes sur les alcools, réduction du nombre des débits de boisson, destruction des alambics illégaux, extinction progressive du privilège de distillation qu'on ne peut plus transmettre à ses enfants Toutes ces mesures, qui provoquent un tollé chez les professionnels comme chez les agriculteurs, sont accompagnées de gestes spectaculaires. Mendès France fait distribuer du lait aux enfants des écoles et montre lui-même l'exemple. Dans les dîners des conférences internationales comme à la Tribune de l'Assemblée, il se désaltère ostensiblement avec un verre de lait : l'image frappe, les flashes des photographes crépitent, les clichés des journaux reproduisent la scène symbolique. Ses décisions politiques en matière de santé publique sont accompagnées d'une vaste campagne d'information pour convaincre l'opinion. [...]
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