"Dans la dèche à Paris et à Londres" de George Orwell présente une galerie de portraits de vagabonds, de loqueteux, misérables et autres trimardeurs dans la galère au cours du début des années trente, à une époque où la protection sociale, en Angleterre et en France, est encore une protection minimale des plus démunis.
Au travers de descriptions truculentes, on peut lire en filigrane une fine analyse du regard porté sur la misère au début du XXe siècle et du conflit conceptuel autour de cette notion. On prendra pour éléments de commentaires deux portraits clairement opposables : tout d'abord, celui de Bozo rencontré sur le pavé londonien par le protagoniste, la figure de "l'artiste du trottoir ", intellectuel marginal aux oeuvres de craie éphémères ; et ensuite celui du charpentier sans outil rencontré dans un asile de nuit de Lower Binfield.
L'ouvrage se fait l'écho d'une controverse qui a traversé tout le processus d'industrialisation en Europe et que l'on rencontre encore aujourd'hui dans le débat économique contemporain. Rompant avec le caractère sacré du miséreux de l'époque médiévale associé à la figure du Christ et à qui on doit l'assistance, la sécularisation progressive des sociétés occidentales amène à s'interroger sur la place du pauvre.
La tendance libérale, incarnée entre autre par Malthus considère le pauvre comme un élément constitutif de l'organisation économique d'une société. L'aide aux pauvres ne saurait qu'encourager la mollesse humaine. En somme, l'assistance aux pauvres pourraît créer les pauvres qu'elle protège.
[...] Cette immigration jusqu'alors en grande partie frontalière s'ouvre à l'Europe de l'Est, au Maghreb par la présence coloniale française et aux pays méditerranéens, facilitées par les avancées dans le domaine des transports. La France, à la démographie languissante fait appel aux travailleurs étrangers pour les travaux généralement les moins qualifiés. La division du travail dans la société est faite selon un principe de préférence nationale et en fonction de l'origine de l'individu. Les tâches les plus viles sont reléguées en général aux ressortissants étrangers sans qu'une explication due au niveau de compétence exigée par les emplois concernés puisse réellement l'expliquer. [...]
[...] Il était prêt à accepter chaque sou que lui fournirait la charité organisée à condition de ne pas avoir à dire merci en échange La perception du vagabond est ici celle d'un individu aussi apte que les autres à travailler, à s'insérer dans l'organigramme de la société mais que quelques accidents de la vie ont envoyé sur la paille et qu'un système d'assistance publique ubuesque conforte dans sa situation de 1 cf. p.227 de l'ouvrage étudié, De la dèche à Paris et à Londres, Georges Orwell, 1933(1ère édition), Ed. 10/18. [...]
[...] Pour autant, les propos sont ici rapportés par Charlie et peuvent là aussi être perçus comme le simple reflet d'un antisémitisme latent au cours des années trente. Pour autant, on se permet de souligner deux des extraits tirés au hasard de ce roman d'inspiration autobiographique qui nous semblent particulièrement litigieux. On peut ainsi relever dans la description du personnage de Bozo ces quelques phrases : " Bozo était un petit homme brun au nez crochu, avec des cheveux frisés qui lui descendaient très bas sur le front. [...]
[...] Contrairement à la question sociale et à la problématique de l'oppression des classes miséreuses, la question de la xénophobie n'est jamais analysée par Orwell sous un angle critique ou polémique. Il se contente tout au plus de mettre en scène la xénophobie de son époque ou de reprendre à son compte des préjugés racistes. C'est d'autant plus regrettable que l'on a vu que ce racisme était particulièrement présent sur le marché du travail précaire et aurait pu faire l'objet d'une analyse conjointe avec ces questionnements sociaux. [...]
[...] Quand je pense que moi, ancien capitaine du tsar . T'ai-je dit, mon ami, que j'étais capitaine au 2ème tirailleurs sibériens ? Oui, capitaine et mon père colonel. Et voilà où j'en suis, à manger le pain d'un Juif . un Juif . De même, la figure de Charlie permet à Orwell d'introduire au cours de son récit des histoires et contes narrés par le personnage qui sont à l'ouvrage ce que les farces étaient aux représentations théâtrales médiévales, des moments de pause qui ponctuent le cours des pérégrinations du protagoniste. [...]
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