La création des identités nationales, d'Anne-Marie Thiesse

Résumé du document

La proposition de M. Sarkozy concernant la création d'un ministère de l'immigration et de l'identité a suscité de vifs débats, une partie de l'opinion publique a dénoncé cette démarche, jugée dangereuse et xénophobe. Cette polémique témoigne de l'actualité de la question nationale dans notre pays, et dans l'Europe, qui voit un regain inquiétant des partis nationalistes. L'entrée de la Bulgarie et de la Roumanie a permis en début d'année(2007) la naissance d'un groupe politique nationaliste au parlement européen, introduisant par la même un paradoxe criant entre les visées politiques nationalistes des députés et le rôle du parlement européen. On observe donc deux phénomènes concomitants et néanmoins contradictoires, la mondialisation, fréquemment accusée de désagréger le sentiment national, et le repli national dont dérive des mouvements nationalistes. L'annonce faite il y a quelques années prédisant la disparition de l'Etat-nation, conception datée et dépassée, ne semble pas se réaliser, tant les populations et les hommes politiques paraissent attacher à leur identité nationale.

Extraits

[...] L'importance de l'éducation physique, par la voie en Suède ou en Allemagne des mouvements gymnastes, prône un patriotisme et une fierté nationale. C'est en 1896 que P. de Coubertin invente les jeux olympiques durant lesquels les sportifs portent fièrement la Nation sur leurs épaules. L'émergence de mouvement d'éducation populaire se développe, le mouvement scout par exemple. Dans ces associations, la fraternité, la discipline, la solidarité est sans cesse stimulée, le groupe détenant son unité de l'amour commun pour la Nation. [...]

[...] Ainsi les gouvernements prennent une attention toute particulière à l'adhésion à l'identité nationale par les classes laborieuses. La transformation des modes de production laisse parfois l'ouvrier libre. En effet de l'industrialisation découle la naissance des loisirs qui doivent être voués à l'apprentissage de l'identité nationale pour éviter les vices qui tentent l'ouvrier (alcool et fréquentation des filles de joie). L'encadrement des masses devient dès lors une obsession qui dérive très vite sur un autoritarisme et préfigure les régimes totalitaires qui se réfèrent constamment à l'identité nationale et l'instrumentalise à des fins xénophobes. [...]

[...] L'identité nationale transparait à travers les peintures et les paysages dont la symbolique est parfaitement travaillée. Il faut ajouter aux paysages la prolifération des costumes dans l'iconographie, ceux-ci étant assimilés à la nation et à son patrimoine.( Ne peindriez vous pas un écossais avec un kilt Or cette constance du costume dans les représentations et doublée par un encouragement du pouvoir politique vis à vis des ruraux à promouvoir ces traditions. Ainsi l'Etat tente de synthétiser l'identité nationale et attise, dans le même temps, les particularismes locaux. [...]

[...] La création d'identités nationales constitue donc outre l'aspect culturel, un aspect politique et géopolitique. Les épopées fondamentales demeurent l'instrument parfait pour la construction d'une identité culturelle, étape vers les revendications politiques. La traduction d'ouvrage ancien se mélange avec les créations modernes dans un flou qui n'embarrasse pas grandement leur auteur, l'enjeu dépassant la polémique sur l'authenticité des sources. Seulement les épopées ne suffissent plus, les Etats contemporains aspirent à un passé pleinement écrit et non plus à des bribes. Ainsi ils se lancent dans la fondation d'une histoire proprement nationale avec pour base les ancêtres précédemment trouvés ou inventés nos ancêtres les gaulois pour la France). [...]

[...] Cette identification des ancêtres connaît plusieurs phases. La première dans le temps est constituée par le rejet du classicisme, modèle culturel dominant, portée notamment par la monarchie hégémonique française dont la langue est parlée dans de nombreuses cours et la culture considérée comme une référence. C'est au Royaume-Unis et plus particulièrement en Ecosse que naît le mouvement de rejet du classicisme et de ces racines gréco-latines. Par la plume de Macpherson, les ancêtres barbares qui peuplaient l'Ecosse sont revivifiés, leurs chants, leurs épopées magnifiées. [...]