L'idéal démocratique règne désormais sans partage, mais il suscite aussi de vives critiques, notamment par une érosion de confiance de la part des citoyens. On explique cela généralement par la montée de l'individualisme, le repli sur la sphère privée, le déclin de la volonté politique ou l'avènement d'élites de plus en plus coupées du peuple. C'est un manque ou un abandon qui sont déplorés, l'écart à un modèle initial qui est visé, la trahison d'une promesse qui est dénoncée. Historiquement, la démocratie s'est en effet toujours manifestée à la fois comme une promesse et comme un problème et nous n'avons jamais réellement connu de régime pleinement démocratique.
L'objet de cet ouvrage est d'appréhender les manifestations de la défiance dans un cadre global qui en restitue de façon articulée et cohérente les caractéristiques les plus profondes, en un mot de les comprendre comme faisant politiquement système. L'expression de cette défiance a emprunté deux grandes voies, libérales et démocratiques, c'est l'obsession notamment de prévenir l'accumulation des pouvoirs. Pour les libéraux, plus de démocratie signifie mécaniquement plus de suspicion envers les gouvernants. La défiance libérale peut s'appréhender en ce sens comme un pouvoir de prévention, c'est une perspective frileuse et pessimiste de la démocratie, une suspicion du pouvoir populaire. Le but est alors de veiller à ce que le pouvoir élu reste fidèle à ses engagements, de trouver les moyens permettant de maintenir l'exigence initiale d'un service du bien commun. Cela passe par des pouvoirs de surveillance, des formes d'empêchement ou des mises à l'épreuve d'un jugement, ces trois contre-pouvoirs dessinant les contours de ce qu'on peut alors appeler une contre-démocratie. Cette contre-démocratie vise à prolonger et à étendre les effets de la démocratie, elle en continue les contreforts, elle est une véritable forme politique.
[...] La contre-démocratie la politique à l'âge de la défiance, par Pierre Rosanvallon Introduction L'idéal démocratique règne désormais sans partage, mais il suscite aussi de vives critiques de par notamment une érosion de confiance de la part des citoyens. On explique cela généralement par la montée de l'individualisme, le repli sur la sphère privée, le déclin de la volonté politique ou l'avènement d'élites de plus en plus coupées du peuple. C'est un manque ou un abandon qui sont déplorés, l'écart à un modèle initial qui est visé, la trahison d'une promesse qui est dénoncée. [...]
[...] Les agences internes d'audit et d'évaluation. On peut parler aujourd'hui d'une véritable industrie de l'évaluation, la tendance est aux demandes de la société de ces dispositifs. Il se constitue sur ce mode dans les sociétés contemporaines un esprit de surveillance démocratique qui résulte des effets d'entrainement mutuel qu'exercent les uns sur les autres les agents publics, autonomes et militants de cette fonction. La démocratie est dorénavant comprise comme ne pouvant s'épanouir que si elle intègre dans sa définition ses risques de dysfonctionnements et prévoit dans ses institutions le moyen de se critiquer elle-même Le fil de l'histoire Les trois moments. [...]
[...] On pensait ainsi que le règne du nombre allait faire advenir par lui-même une société démocratique. Les figures du rebelle, du dissident et du résistant dessinent parallèlement de leur côté les contours d'une force morale critique dans le monde de la mal- démocratie libérale. La lutte des classes comme politique négative. Les ouvriers ont longtemps conservé le sentiment de rester en marge. Le fait du conflit de classes est ainsi perçu comme une question radicale posée à la démocratie elle-même. [...]
[...] La dimension de publicité a toujours été essentielle, même quand la justice était loin d'être impartiale ou elle n'était qu'une simple mascarade. Et le public, même quand il n'est que passif, occupe une place centrale. Son rituel a donc une fonction d'institution sociale : l'activité de jugement contribue à faire vivre une dimension de la démocratie qu'elle est la seule à remplir. L'espace de la particularité exemplaire. Le jugement dessine en outre des bornes au possible, il marque des coups d'arrêt et tente de donner sens au monde. Il combine de manière énigmatique le particulier et le général. [...]
[...] Désormais, les gouvernants acceptent de voir leur souveraineté entamée pour compenser l'érosion de la confiance des citoyens : ils consentent à leur abaissement pour donner à la société des gages de leur attention. La dépolitisation prend alors la forme d'un évidement de la politique La tentation populiste Le populisme stigmatise ce qui est perçu comme une dérive démocratique ou un danger pour les libertés, mais sans définition complètement satisfaisante. C'est un retournement pervers des idéaux et des procédures de la démocratie. Une pathologie de la démocratie électorale-représentative. [...]
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