Concernant son parcours intellectuel, Rosanvallon est un héritier de la seconde gauche, s'inscrivant dans le sillage de Pierre Mendès France ou encore de Michel Rocard. Toutefois, les représentants de ce courant récusent l'appellation de « seconde gauche », connotée péjorativement, et se revendiquent d'une tradition de pensée non-étatiste et mutualiste, inspirée du proudhonisme, et associée au syndicalisme autogestionnaire, à l'instar de celui de la CFDT notamment, arborant ainsi une certaine méfiance à l'égard de l'Etat, des partis politiques ainsi que des parlementaires. Aussi, fidèle à cette tradition de pensée, Rosanvallon s'emploie à mettre au premier plan la société civile et ses ressources d'auto-organisation économique, sociale et politique, en appelant de ses vœux une abolition de l'Etat et du salariat. L'adversaire prédominant de cette gauche est donc le marxisme, dont l'un des principaux chefs de file français fut Jules Guesde, qui promouvait un socialisme étatique centré sur la prise du pouvoir par le prolétariat.
Rosanvallon va donc au sein de cet ouvrage s'attacher à dessiner les contours d'une légitimité sociale, en dehors et face à la légitimité politique. Il s'agit alors de penser une démocratie civile, « contre », en l'occurrence dans une relation d'opposition et de proximité vis-à-vis de la démocratie représentative. En effet, conscient de l'échec du projet autogestionnaire, Rosanvallon ne va pas tant chercher à opposer la société civile à l'Etat qu'à faire apparaître leur unité. L'objet de l'ouvrage consiste ainsi, dans une certaine mesure, à mettre en exergue l'aspect systémique de la contre-démocratie et de la démocratie électorale.
[...] La quatrième partie de l'ouvrage est consacrée à la part d'ombre des contre-pouvoirs en l'occurrence à l'ambiguïté structurelle de la contre- démocratie et à la tension entretenue en son sein entre activisme citoyen positif et vision désabusée et restreinte de la politique. Pistes analytiques C'est le vide du sens et non le vide de la volonté qui fait d'abord problème aujourd'hui soutient Rosanvallon. Ce dernier s'oppose ainsi à une nostalgie républicaine anti-individualiste et promeut la reconnaissance d'une nouvelle forme de citoyenneté ancrée dans la société civile. Pour lui, la dépolitisation advient uniquement lorsque le pouvoir politique est trop faible et procède par évidement de celui-ci. [...]
[...] Comment remédier alors au divorce entre les formes politiques contre- démocratiques et la fonction politique ? Rosanvallon dresse trois pistes de réflexion : - Il propose tout d'abord, en s'inscrivant dans le sillage d'Habermas, de développer des mécanismes de démocratie participative ou délibérative de proximité afin de reconstruire la confiance du citoyen dans ses représentants politiques. Il admet cependant les limites des effets de ces procédés. - Il suggère alors de les compléter par une consolidation des différentes formes de la contre-démocratie, en créant des observatoires citoyens pour la surveillance, en renforçant la contrainte permanente de justification concernant l'empêchement ou encore en stimulant la motivation quant au jugement, dans le but de pallier les effets impolitiques qu'est susceptible d'engendrer la seconde forme de contre-pouvoirs. [...]
[...] Il appartient donc à la société de se réfléchir elle-même pour rétablir cette vision d'un monde commun. Portée de l'ouvrage L'intérêt de cet ouvrage provient tout d'abord de la proposition d'un autre diagnostic concernant les difficultés actuelles que rencontrent nos sociétés démocratiques. En effet, Rosanvallon, s'opposant à l'idée nostalgique, d'inspiration républicaine, d'une dépolitisation par indifférence à la chose publique, cherche à déconstruire les macroconcepts de déclin du politique et de privatisation du monde afin de mettre en exergue le fait que la société civile peut également être le lieu du politique. [...]
[...] Nous assisterions en effet à des désélections déclare ironiquement Rosanvallon. Ce dernier va dès lors s'interroger sur l'origine, la nature et les incidences de cette défiance sur la démocratie représentative. Il nous enseigne ainsi qu'il ne faut pas considérer le modèle français comme uniquement jacobin car, à tout moment, ont existé des contre-pouvoirs ainsi que des structures de surveillance et d'empêchement. Aussi, la démarche de Rosanvallon consiste-t-elle à penser une politique équilibrée entre la dimension électorale et celle des contre- pouvoirs afin de faire place à une société civique-civile Il va tenter de théoriser une double souveraineté, tant représentative que contre- démocratique entendue en tant que forme politique L'expérience historique a fait apparaître qu'à l'encontre du sens communs, ces deux piliers, constitutifs de la démocratie, font système La contradiction réside dans le populisme, qui constitue un rejet du pouvoir politique en tant que tel, et qui trouva une illustration saillante sous la période révolutionnaire au travers de la figure de Marat, fondateur du journal l'Ami du peuple. [...]
[...] Synthèse de l'ouvrage Nous sommes entrés dans l'âge de la défiance, affirme Rosanvallon. Cette défiance se traduit par une érosion de la confiance placée dans les représentants politiques, qui vient par là même saper leur légitimité. Elle provient de la structure même de nos sociétés contemporaines, qui voient en leur sein apparaître trois nouveaux aléas, développés par Ulrich Beck dans son ouvrage intitulé la société du risque, que sont la suspicion à l'égard de la science et de la technique, la montée de l'incertitude économique ainsi que l'individualisme. [...]
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