Le texte proposé est extrait du discours « De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes », prononcé par Benjamin Constant à l'Athénée Royal en 1819. Dans cet extrait, Benjamin Constant, en s'appuyant sur les notions d' « individu » et de « corps collectif », de « vie privée » et d' « affaires publiques », de « particulier » et « citoyen », distingue deux formes de liberté : celle des Anciens et celle des Modernes. Il constate que si elles sont toutes deux fondées sur ces notions, elles ont une signification et une visée différentes : chez les Anciens, la liberté de l'individu, n'existe qu'en tant que celui-ci est « portion du corps collectif », ce qui limite ses droits individuels ; chez les Modernes, la liberté de l'individu existe en tant qu'il est « indépendant dans la vie privée », ce qui implique une restriction volontaire de sa souveraineté. De cette comparaison, comment évolue le principe de la souveraineté du peuple ? A cette question, Benjamin Constant répond que, chez les Anciens, la volonté discréditionnaire du corps collectif rend inexistant les droits individuels, mais que chez les Modernes, ce principe est nécessaire pour garantir ces mêmes droits.
[...] La liberté des modernes se définit par la passivité (une jouissance) alors que celle des anciens se définit par l'activité (une participation). De cet individualisme il résulte que la souveraineté [de l'individu] est restreinte Ce repli de l'individu en ce qui concerne les affaires publiques laisse pleine initiative à l'État. Ainsi, l'exercice des droits individuels pourrait être brimé par le pouvoir étatique si celui- ci n'était contrôlé. Or, la jouissance du privé chez les modernes ne les incite pas à se tourner vers les affaires publiques pour contrôler l'État. Faut-il alors revenir à la liberté des anciens ? [...]
[...] En effet, la république athénienne accordait plus de libertés individuelles à ses citoyens que les autres cités antiques. Cependant, cette indépendance individuelle accrue dans la cité antique d'Athènes prélude à la conception de la liberté selon les Modernes, que dresse Benjamin Constant. En effet, selon la définition des Modernes, l'individu est indépendant dans la vie privée Ainsi, la conception des modernes s'oppose à celle des anciens. Là où, chez les anciens, l'individu était soumis il est indépendant chez les modernes. La liberté des anciens aliènerait la liberté des modernes. [...]
[...] Il faut toutefois que l'individu soit entouré de précautions et d'entraves lorsqu'il exerce sa souveraineté (dans le sens des anciens), car sous une Constitution représentative, une nation n'est libre que quand les députés ont un frein (Benjamin Constant). Cependant, si pour assurer la liberté des modernes, Benjamin Constant suggère le système représentatif, il ne précise pas la nature de ces entraves à apporter. Peut-être néglige-t-il d'autres mesures telles que la séparation des pouvoirs préconisée par Montesquieu, qui pourrait alors constituer ce frein ? Ainsi, il apparaît qu'à travers les deux formes de liberté (celle des anciens et celle des modernes), la notion de souveraineté de l'individu transparaît. [...]
[...] Chaque individu possède une parcelle de la souveraineté. Il est donc portion du corps collectif L'individu n'existe que par la collectivité : sa liberté réside dans la participation à la délibération commune. Cette délibération le place au-dessus de ses magistrats ou ses supérieurs Mais cette délibération qui lui assure la liberté est conditionnée par l'appartenance puisque l'individu est portion du corps collectif Ainsi, la liberté des anciens suppose également la soumission. En effet, l'individu n'étant libre qu'en étant portion du corps collectif il en résulte que la liberté s'accompagne de l'appartenance ; et que les anciens étaient prêts, pour la conservation de leur importance politique et de leur part de décision dans la cité antique, à renoncer à leur autonomie. [...]
[...] Chez les anciens, la liberté de l'individu naît directement de sa souveraineté, puisqu'elle consiste en la participation active et constante au pouvoir collectif. Une telle définition de la liberté s'oppose à celle des modernes, pour qui elle réside en la jouissance de l'existence privée et des droits fondamentaux. Alors que chez les Anciens, la liberté imposait un renoncement du privé au profit de la souveraineté du peuple, chez les modernes, cette participation active au pouvoir collectif (au sens des anciens) n'est que ponctuelle et assure la liberté en garantissant le privé : par le biais de la représentation, l'individu peut exprimer publiquement sa force individuelle, afin que l'action politique ait pour légitimité ultime l'opinion privée. [...]
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