Cet ouvrage (paru aux Etats-Unis en 2003 sous le titre original Philosophy in a Time of Terror), rassemble les dialogues de deux grands intellectuels contemporains - le Français Jacques Derrida (1930-2004) et l'Allemand Jürgen Habermas (né en 1929) - avec une professeure de philosophie du Vassar College de New York (Giovanna Borradori). A New York d'octobre à décembre 2001, les philosophes réfléchissent à la signification des attentats du 11 septembre, et plus généralement au terrorisme, à ses liens avec les systèmes de communication mondialisés, ainsi que ses conséquences pour la démocratie, le nouvel ordre mondial et les institutions multilatérales. Chacun répond séparément aux questions de la professeure, telles que : Qu'est-ce qu'un événement majeur ? Qu'est-ce que le terrorisme ? Quel rapport avec la mondialisation ? Quelle articulation entre Islam et violence ?
Contexte de parution
Ces dialogues ont lieu à peine un mois après les attentats, alors qu'on ne cesse de parler de "terrorisme" et du "11 septembre" dans le monde entier (sans que ces termes n'aient été réellement délimités ni définis). On sait que les conséquences des attentats seront retentissantes : en octobre 2001, dans le cadre de leur "guerre globale contre le terrorisme", les Etats-Unis se sont lancés dans une guerre "préventive" en Afghanistan. Et le moment de parution, en octobre 2003, deux ans après les événements, confirme l'interventionnisme américain avec la guerre en Irak.
Jacques Derrida, auteur du titre français de l'ouvrage, a voulu attirer l'attention sur les difficultés liées à la formation du "concept", de cette chose nommée par sa seule date, le "11 septembre". Alors qu'un consensus universel (formé par les médias et la rhétorique géopolitique) tient le "nine eleven" pour un événement historique, il convient de répondre à la problématique : Le 11 septembre est-il un "événement majeur" ? D'autres intellectuels, tentaient eux aussi de répondre à cette question (...)
[...] Selon lui, la tolérance est seulement possible dans une communauté démocratique, c'est-à- dire dans l' échange rationnel entre citoyens où personne ne détient le privilège de fixer les limites de ce qui doit être toléré Habermas, en quête d'une théorie positive de la modernité, montre donc qu'il y a des tensions pathologiques au sein de celle-ci. Mais il assume sans condition le programme politique des Lumières (qu'il rebaptise discours de la modernité laissé inachevé Renoncer à la modernité signifierait pour Habermas renoncer à la liberté et à la justice sociale, c'est pourquoi il s'oppose (par là-même à Derrida) à l'idée que notre époque puisse être postmoderne. Habermas rejette le caractère messianique que les postmodernistes accordent au passé. [...]
[...] Dans ces entretiens, Habermas et de Derrida voient poindre un retour aux idées libérales et idéalistes. Pour contrer la thèse sécuritaire virulente et la doctrine impérialiste des néo-conservateurs américains qui ont pénétré les cercles de décision des Etats-Unis les idées libérales et idéalistes connaissent une nouvelle jeunesse depuis 2001. C'est le retour à la valeur de l'idéal des Lumières qui s'attache à la citoyenneté mondiale et au droit cosmopolitique (le germe de la conscience universelle selon Aron). Ce retour sera bientôt confirmé par les thèses de penseurs tels que Stanley Hoffmann, John Rawls et de Judith Shklar. [...]
[...] Jamais auparavant on avait vu, aux quatre coins du monde, la réalité se dérouler en direct sur son écran de télévision Il s'oppose à Carl Schmitt, qui affirme l'identité collective par opposition à une autre, ce qui fait de la relation ami/ennemi (et donc de l'état de nature) l'essence de la politique. Habermas distingue trois types de terrorisme. Les deux premiers ont un profil partisan (l'action violente aveugle et la guérilla paramilitaire), le troisième est flou, il s'agit du terrorisme mondial on ne sait quand ses objectifs sont atteints. Le seul critère commun qu'impose la tolérance est la fidélité à la Constitution, qui, par sa structure discursive, donne la possibilité d'exprimer rationnellement les conflits et même la désobéissance civile. cf. [...]
[...] Pour Habermas, le 11 septembre constitue le premier événement historique mondial[4]. Toutefois, on ne pourra juger de l'importance de cet événement seulement au terme d'un travail d'histoire Selon lui, le problème le plus urgent à régler est la création d'un nouvel ordre cosmopolite mondial. Cette notion s'approche de l'idée kantienne de fédération des peuples où le sens de l'« hospitalité doit remplacer l'hostilité entre les nations (par la création d'un tribunal international et par le respect des décisions prises par la communauté internationale). [...]
[...] la sur-réaction des Etats- Unis après le 11 septembre) et la communication de masse (qui s'impose aux acteurs les plus vulnérables de l'espace public). La théorie communicationnelle d'Habermas lui permet d'expliquer pourquoi la violence n'explose pas dans les sociétés démocratiques, alors qu'elle y est présente partout dans ses formes structurelles (inégalités sociales, discriminations). Il voit dans tout acte de parole une orientation naturelle vers le consensus (la structure même de la parole aurait une prétention implicite à la validité). Confrontés au pluralisme des convictions, nous cherchons toujours une solution. [...]
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