Doctrine politique qui a probablement soulevé le plus de passions et de haines au cours du XXème siècle, le communisme fait l'objet dans l'ouvrage d'Annie Kriegel, publié en 1968 et révisé en 1970, d'une étude approfondie, consacrée quasi exclusivement à sa « version française ». En se consacrant à l'étude du Parti Communiste Français, Annie Kriegel a pour dessein d'établir une perspective historique et ethnologique du phénomène communiste hexagonal, afin de distinguer dans ce phénomène les changements, les tendances fortes, les particularités, les forces et les faiblesses qui font sa spécificité. En étudiant le communisme « à la manière d'un ethnographe », en s'intéressant au phénomène de « microsociété » communiste, l'auteur cherche en fait à définir quelles sont les voies de changement de la société communiste, compte tenu de ses caractéristiques propres, a fortiori dans le contexte politique troublé de 1968-1970, période de gestation de cet ouvrage.
[...] L'organisation du PCF correspond d'autre part à la mise en pratique des théories de Lénine concernant la bolchévisation. Est en effet mise ne place dès les années 20 une structure de révolutionnaires professionnels qui va former le noyau dur de cadres dirigeants du Parti. Cette assemblée de permanents retirés de la production fournit l'ossature intellectuelle du Parti, et on voit là se développer une catégorie d'adhérents qui font de l'appartenance au PCF la composante quasi- exclusive de leur vie de tous les jours. [...]
[...] Bibliographie _ Annie KRIEGEL, Les communistes français : essai d'ethnographie politique Seuil nouvelle édition 1970. Lectures Annexes : _ Annie KRIEGEL, Communismes au miroir français : temps, cultures et sociétés en France devant le communisme Gallimard _ Marc LAZAR, Stéphane COURTOIS, Samuel TRIGANO et alii, Rigueur et passion : mélanges offerts en hommage à Annie Kriegel Le Cerf _ Tombeau pour Annie Kriegel in Commentaire, Printemps 1996. [...]
[...] Cette tendance s'équilibre toutefois par la suite, après le guerre, avec l'augmentation du nombre d'adhérents-cotisants, et par la mise en place par des gestionnaires avisés de structures de financement par les entreprises, de souscriptions, etc. L'appareil central va, curieusement, se doter à sa tête d'hommes assez quelconques au fil de l'expérience communiste. Le premier réel dirigeant du PCF est Maurice Thorez. Issu d'une famille de mineurs de fond du Nord mais n'étant lui-même pour ainsi dire jamais descendu dans un puits de mine, il n'hésite pourtant pas à se placer en homme solidaire des nécessités de la classe ouvrière dont il se considère comme un membre à part entière. [...]
[...] D'une taille étoffée par rapport à ses congénères français de par sa fonction tribunitienne, qui en fait un parti de masse dans le cadre français, son nombre d'adhérents est cependant très variable selon la conjoncture politique (on compte de 25000 adhérents en 1932 à 907785 en décembre 1947). Le Parti Communiste est en fait confronté à un dilemme permanent entre sa profonde et essentielle vocation de représentation de la classe ouvrière dans son ensemble, et la tendance qui fait de lui un parti accueillant au fil du siècle une part disproportionnée de salariés du secteur public, d'intellectuels et plus largement un nombre assez important de militants hors de la production Stratifié selon un découpage générationnel, le PCF vu en 1970 présente selon l'auteur trois césures principales chez ses militants. [...]
[...] De sa création jusqu'en 1970, le PCF a donc selon Annie Kriegel toujours eu à composer avec les aspirations divergentes portées par les contraintes extérieures, comme la sujétion au PCUS, la rigidité de l'appareil, l'impuissance face aux décisions de Moscou, et par les phénomènes internes comme la diversité des pratiques militantes ou des opinions. En conclusion, Annie Kriegel émet l'hypothèse que l'ankylose que commence en 1970 à subir l'URSS semble se retrouver dans un PCF qui vieillit lentement ; cette hypothèse prend évidemment tout son sens à la lumière de la chute des régimes communistes en Europe et de l'effondrement de l'URSS, à laquelle correspond la lente agonie d'un PCF dont la survie est aujourd'hui mise en question. [...]
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