S'interroger sur les commissaires européens soulève des enjeux majeurs en ce qui concerne la nature de l'intégration européenne et va au-delà de la simple qualification du rôle de la Commission européenne dans le fonctionnement de l'Union européenne. C'est en partant de ce point de vue que Jean Joana et Andy Smith, chercheurs en Science politique, ont mené leurs recherches, restituées dans leur ouvrage Les commissaires européens, technocrates, diplomates ou politiques ? (2002, Presses de Sciences Po), qui s'inscrit dans le cadre d'un programme de recherche du CNRS : L'identité européenne en question. A travers cet écrit, les auteurs tentent de mettre en lumière les rapports qu'entretiennent les commissaires européens à leur fonction et ce qui les amène à adopter tel ou tel positionnement face à leur travail. En effet, les commissaires sont au cœur d'une interaction entre les instances nationales des pays membres et les institutions de l'Union européenne. Leurs attitudes dans ce schéma est donc porteuse d'enseignements sur la nature de l'intégration européenne et la question de la domination par les gouvernements nationaux ou par les instances européennes de la politique de l'Union. De par le rapport qu'ils entretiennent avec les arènes politiques nationales et les arènes communautaires, les rôles des commissaires sont, plus que pour tous les autres acteurs européens, porteurs d'ambiguïtés. Il semble donc essentiel de déterminer l'approche que se font eux-mêmes les commissaires de leur rôle au sein de l'Union européenne. Souvent qualifiés de technocrates, les commissaires européens semblent adopter des registres différents d'action – diplomatique, politique ou technocratique – selon le contexte et les acteurs auxquels ils sont confrontés. Cette adaptation à différents registres d'action témoigne d'une volonté de trouver une légitimité auprès des acteurs européens et nationaux et soulève des enjeux quant à la légitimité et la place de la Commission européenne aux yeux des institutions nationales, européennes, mais aussi des citoyens.
La Commission européenne apparaît, à l'image du système européen lui-même, comme une institution éloignée et peu déchiffrable au sein de l'opinion. Les raisons d'une telle distanciation seront abordées ultérieurement, mais il est possible dès à présent de définir la Commission européenne. Celle-ci, créée en 1967 à la suite du Traité de fusion des exécutifs de la CEE, compte depuis 2005 vingt-cinq commissaires, nommés après un vote au Parlement européen sur une liste de candidats désignée par les pays membres. La Commission, mise en place pour cinq ans, est censée représenter l'intérêt européen commun à tous les Etats membres et chaque commissaire est tenu de prêter serment pour ne pas défendre les intérêts de son pays d'origine. Elle est chargée de proposer et d'exécuter les politiques communautaires et est gardienne des traités. La Commission actuelle, présidée par José Manuel Barroso, en place depuis novembre 2004, est donc constituée de vingt cinq commissaires. Ce travail de définition semble important pour comprendre la démarche entreprise par les auteurs.
Cette étude s'inscrit dans le domaine de la sociologie politique et fait donc appel à une méthode empirique d'analyse, au regard de laquelle les auteurs tentent de répondre à la problématique du rapport des commissaires à leur fonction. Cette réflexion s'articule autour de trois questions définies par les auteurs: « Que sont les commissaires ? », « Que font les commissaires », « Que représentent les commissaires ? ».
[...] La mise en scène de leur action est laissée à chaque commissaire, ce qui contribue au brouillage de la lisibilité de l'institution. La communication s'effectue également entre les différentes institutions européennes. Les deux auteurs mettent en lumière les biais de communication qui peuvent exister entre les acteurs. Ainsi un commissaire européen au sein du Conseil des ministres ne sera pas considéré comme un politique, les ministres cherchant plutôt à technocratiser les commissaires. L'approche de la fonction de commissaire et les registres d'action utilisés peuvent donc être influencés par les relations avec les autres acteurs nationaux ou européens, influence qui se place hors de toute contrainte institutionnelle. [...]
[...] Les commissaires européens : technocrates, diplomates ou politiques ? S'interroger sur les commissaires européens soulève des enjeux majeurs en ce qui concerne la nature de l'intégration européenne et va au- delà de la simple qualification du rôle de la Commission européenne dans le fonctionnement de l'Union européenne. C'est en partant de ce point de vue que Jean Joana et Andy Smith, chercheurs en Science politique, ont mené leurs recherches, restituées dans leur ouvrage Les commissaires européens, technocrates, diplomates ou politiques ? [...]
[...] Ce débat semble pouvoir être nuancé aujourd'hui par l'élargissement de l'Union européenne avec dix nouveaux pays et l'attribution, sur vingt- cinq postes de commissaires, d'un poste par pays. Certains chercheurs, dont Pierre Lascoumes, sociologue et directeur de recherche au CEVIPOF, ont émis des critiques face à la démarche adoptée par Jean Joana et Andy Smith. Selon lui, l'ordre européen original créé par les commissaires européens aurait gagné à être défini, notamment par l'influence qu'il pourrait avoir sur les autres structures de l'Union européenne. [...]
[...] Tout au long de leur mandat, les commissaires, par respect des règles de la Commission, cherchent à démontrer leur indépendance face à leurs gouvernements nationaux. Il est intéressant de constater que, malgré tout, les pratiques des commissaires sont significativement liées à leur pays d'origine : méthode de travail, réseaux externes De plus, la longévité au sein de la Commission semble plus dépendre d'alternances politiques dans le pays d'origine, que de contraintes institutionnelles. Si les commissaires semblent donc bien liés à leur pays d'origine, c'est l'activation plus ou moins affirmée de leur réseau national qui sera réellement significative de leur conception de la fonction. [...]
[...] Mais au sein de la Commission, les commissaires entretiennent parfois, pour de diverses raisons et de diverses manières, des relations avec leurs pays d'origine. On parle ainsi de réseaux externes entretenus par les commissaires et qui leurs permettent d'anticiper les réactions nationales aux propositions communautaires. Cependant, la défense ouverte d'un commissaire pour les intérêts de son pays semble difficilement tenable à cause des règles de collégialité. Ces règles de la collégialité impliquent notamment une possible participation de chaque commissaire dans tous les dossiers gérés par la Commission. [...]
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