Dans Au nom de la loi, Alain Minc décrit l'évolution récente de l'institution qui, en France, a pris une importance exceptionnelle en quelques années. L'auteur reconnait qu'il n'a aucun titre particulier pour parler de ce sujet, n'étant ni mis en examen, ni plaideur, ni juriste, ni magistrat. Se considérant comme un candide, il estime cependant, comme tout citoyen éclairé, avoir besoin de se pencher sur un sujet ou il est important de ne pas se contenter d'un discours politiquement correct. Ce discours affirme en effet que les juges doivent être indépendants, avoir davantage de pouvoirs et être capables de statuer sur tous les problèmes, notamment les problèmes de société, qui leur sont soumis. A. Minc ne pense pas que ces affirmations soient justes. Certes, « la réhabilitation du droit est une bénédiction», mais l'importance actuelle, en France, d'une institution qui serait un contre-pouvoir, est, selon lui, excessive.
La preuve du triomphe de la justice se mesure, affirme Alain Minc, à l'importance croissante que les medias lui consacrent. Elle empiète même sur la politique traditionnelle. Des nombreuses mises en examen de dirigeants de grandes entreprises ou d'hommes politiques aux avis du Conseil d'Etat ou aux querelles à propos du droit européen, les indices de l'omnipotence du droit sont nombreux. Mais cette évolution cache l'émergence d'une démocratie d'opinion qui peut se substituer à la démocratie elle-même. Cette tendance s'expliquerait par l'importance croissante, en France, de la justice pénale, plus importante que la justice civile.
[...] Quelques années plus tard, les tribunaux de la Libération étaient composés de magistrats qui avaient exercé pendant l'Occupation. Les rapports avec le pouvoir politique ont été, le plus souvent, malsains: «Duplice et hypocrite, craintif et pervers, violent et méprisant, celui-ci n'a jamais su s'adresser sur un mode normal aux magistrats.» Derrière une aspiration mythique à l'indépendance, l'auteur semble craindre une nouvelle fronde des magistrats (comme ce fut le cas en 1648, pendant l'enfance de Louis XIV, lors de la fronde des Parlements). [...]
[...] Minc estime que ceux-ci pratiquent inconsciemment l'amnésie: ils se sentiraient plus proches du Parlement de Paris de 1750 que de la Cour de Riom de 1941, mais aux yeux des citoyens, le souvenir de cette dernière rode encore, surtout quand ils entendent les magistrats proclamer leur ambition d'indépendance Le démon corporatiste Selon l'auteur, les magistrats ont tendance à se refermer sur eux- mêmes, dans un réflexe de défense. Ils sont peu nombreux pour une fonction que l'auteur qualifie de titanesque : 6087 magistrats professionnels, ce qui est un effectif dérisoire. Même avec les greffiers et les membres de l'administration pénitentiaire, ils représentent un faible parti des agents de la fonction publique. Avec des dépenses de l'Etat, le ministère de la Justice est l'un des moins dépensiers. [...]
[...] L'opinion serait devenue, à sa manière, omniprésente et totalitaire, un dictateur invisible», précise A. Minc. Les procédures judiciaires sont appréciées, car elles deviennent des spectacles, des feuilletons à succès : le procès d'OJ. Simpson a battu Beverly Hills sur les chaînes de télévision américaine, l'affaire Dutroux a envahi les écrans belges pendant plusieurs mois et le procès Papon aurait probablement été un succès mesuré par l'Audimat s'il avait été retransmis a la télévision. La fragilité de cette démocratie d'opinion est cependant réelle. Il s'agit notamment de la tentation populiste. [...]
[...] Minc : La justice doit être plus indépendante ; donc les magistrats doivent être plus indépendants; donc l'autogestion de leur corps doit être plus indépendante. Cette aspiration à l'indépendance favorise le repli sur lui-même du corps des magistrats qui, en outre, a l'impression d'être agressé, selon l'auteur, par le monde entier. Selon lui, les magistrats devraient davantage insister sur la nécessaire responsabilité dans l'exercice de leurs fonctions. Ce n'est pas le cas jusqu'à maintenant, mais il conviendrait d'évoluer sur ce point. [...]
[...] Ces trois mots formeraient, selon Alain Minc, Sainte Trinité» contemporaine. La société de marché et la démocratie d'opinion semblent en effet devenues des horizons indépassables c'est-à-dire que personne n'ose les remettre en cause. Mais le marché sans le droit, c'est la jungle, précise A. Minc. Il prend l'exemple de l'actuelle Russie ou le droit n'impose plus les règles qui sont indispensables (et que des juges doivent faire respecter). A l'opposé, le droit sans le marché, c'est le règne de la bureaucratie et de l'immobilisme. [...]
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