Le texte proposé est extrait des Écrits politiques de Benjamin Constant, rédigés sur plusieurs années, pendant la fin du Premier Empire et le début du règne de Louis XVIII. L’auteur, né en 1767 et mort en 1830, fut un homme politique et un écrivain franco-suisse, et apparaît comme le premier théoricien du régime parlementaire classique. A l’heure où certaines démocraties libérales, à l’instar de la France, connaissent une crise de la représentation, une relecture de Constant pourrait s’avérer utile.
Considérant que « le but de toute société est la liberté », et que « l’arbitraire est au moral ce que la peste est au physique », il axe, dans cet extrait dont le thème est la souveraineté populaire, sa réflexion sur la nécessité que le pouvoir de celle-ci soit limité. En effet, pour Constant, « au point où commence l’indépendance et l’existence individuelles, s’arrête la juridiction de la souveraineté. » Cela dit, si cette souveraineté peut être limitée, comment le faire ? Par quels moyens y parvenir ? Quelles options s’offrent aux constituants ? Par surcroît, affirmer que la souveraineté du peuple est incontestable et parallèlement essentiellement limitée, n’y a-t-il pas là une contradiction ?
Le plan, qui suit l’articulation du texte, se divise en trois parties. Tout d’abord celle où Constant expose sa thèse d’une souveraineté populaire limitée quelque soit le régime, ensuite celle où il pose des questions sur les moyens d’y parvenir, et enfin celle où il énonce la solution, qui pour lui est la constitution.
[...] Ces deux penseurs apportent une réponse qui diffère de celle de Constant qui va plus loin. Cette idée qui est la séparation des pouvoirs, a été élaborée par John Locke dans ses deux traités du gouvernement civil de 1690, puis par Montesquieu dans l'Esprit des lois. Ce dernier partait d'un idéal où les trois instances (législatrice, exécutrice et judiciaire) seraient distinctes et en mesure de s'arrêter les unes les autres : le pouvoir arrête le pouvoir Ce n'est donc pas de séparation des pouvoirs dont il parlait mais de distinction des pouvoirs. [...]
[...] Fondée sur le droit divin, la monarchie est au moment où Constant écrit, le passé (l'Ancien Régime), le présent (le Premier Empire et la Restauration) et probablement le futur. Le monarque de droit divin se doit d'obéir à Dieu, sous peine de perdre sa légitimité. Par ce droit, l'état monarchique est absolu même si le roi peut rencontrer des difficultés pour imposer son autorité, notamment face aux Parlements. Le droit de Dieu s'exerçait par la prédication et la juridiction de son Église, lors du sacre qui représentait une investiture nécessaire donc obligatoire, et par la succession par primogéniture masculine, en d'autres termes la loi salique. [...]
[...] C'est en cela qu'il est le premier théoricien français de la démocratie libérale. Il résulte de ces bornes constituées par les droits privés des individus imposées à la volonté générale, un modèle de citoyenneté et de liberté politique moderne fondé sur l'individualisme des sociétés démocratiques et original par rapport à la liberté des Anciens Celle- ci était une liberté de participation directe à la chose publique et supposait un engagement citoyen à plein temps des membres de la communauté, une politisation intensive des consciences et la subordination systématique de l'intérêt privé à l'intérêt de la Cité. [...]
[...] un État fondé sur une constitution garantissant à chacun la liberté par le jeu de l'équilibre des pouvoirs et du respect des lois. Cependant là où Montesquieu cherche cette limitation dans l'équilibre ou la répartition des pouvoirs, exécutif, législatif, juridique, Benjamin Constant décèle le risque de conflit entre le pouvoir, les pouvoirs et l'individu. Par conséquence, il objecte à cette solution l'argument suivant : Mais par quel moyen fera-t-on que la somme totale n'en soit pas illimitée ? Comment borner le pouvoir autrement que par le pouvoir ? Pour lui, il faut aller plus loin. [...]
[...] En 1814, Constant écrit un texte polémique, qui prendra le titre de "De l'esprit de conquête et de l'usurpation" dont voici un passage qui conserve au regard de l'actualité internationale une force d'interpellation intacte : Le droit des nations deviendrait un code d'expropriation et de barbarie : toutes les notions que les lumières de plusieurs siècles ont introduites dans les relations des sociétés, comme dans celles des individus, en seraient de nouveau repoussées. Le genre humain reculerait vers ces temps de dévastation, qui nous semblaient l'opprobre de l'histoire. L'hypocrisie seule en ferait la différence; et cette hypocrisie serait d'autant plus corruptrice que personne n'y croirait. [...]
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