Hu Ping est, à bien des égards, une victime de la Chine communiste : alors que son père, officier du KMT, fut fusillé par le PCC en 1952 ; lui a été envoyé à la campagne pendant cinq ans afin d'y être rééduqué, au début de la révolution culturelle. C'est donc logiquement qu'après la mort de Mao, il est devenu un activiste démocrate, prenant position contre la fin du règne communiste en Chine, et participant au printemps de Pékin de 1978-1979 (encouragé par Deng Xiaoping), et à celui de 1989 (réprimé par Deng Xiaoping...). Mais, après la répression, quand les reformes économiques ont commencé à porter leurs fruits, Hu Ping n'a pas rejoint ces intellectuels qui, comme Rong Jian, ont jugé préférable d'abandonner la lutte pour la démocratie, considérant plus important de rendre aux Chinois une raison de vivre ensemble, et à l'Etat un minimum de prestige.
Des Etats-Unis, où il s'est exilé, Hu Ping a lui poursuivi la lutte contre le régime et fut notamment élu président de l'Union Démocrate de Chine. L'engagement de l'auteur explique probablement que le livre que je vais commenter aujourd'hui soit particulièrement critique envers le système politique chinois. La spontanéité des textes de ce recueil - le livre est en fait composé de textes issus d'entretiens entre Hu Ping et ses traducteurs français, et de lettres- doit aussi être prise en compte pour expliquer le côté parfois un petit peu caricatural du portrait qu'il dresse de la Chine. Néanmoins, la dureté de l'auteur n'est pas uniquement à mettre sur le dos de ces deux facteurs. A ce propos, il est intéressant de noter que le portrait très négatif qu'il dresse de la Chine n'est pas inspiré par une idéalisation des sociétés occidentales. Dans la troisième partie du livre - Savoir chérir la liberté- Hu Ping se montre extrêmement au courant des problèmes comme l'apathie politique, la culture de masse, etc. auxquels ont à faire face les démocraties occidentales et les pays récemment sortis d'un système totalitaire. Le modèle de la démocratie libérale de marche n'a rien d'une panacée, mais constitue seulement un moindre mal. Néanmoins, il ne rejette pas la responsabilité de ces problèmes sur le système ; pour lui, les responsables sont les individus, qu'il appelle à des efforts incessants pour redonner un sens à la liberté -tout en étant conscient de la difficulté de la tâche. En somme, pour Hu Ping, dans un régime totalitaire comme dans une démocratie, la liberté résulte d'une tension entre la contrainte et le laisser-aller : dans tous les cas, ce n'est qu'au prix d'une lutte que les hommes peuvent l'obtenir. Tout cela participe à faire de Chine, à quand la démocratie? un livre intimement lié à l'action.
[...] J'ai donc retravaillé le plan tout en essayant d'être le plus fidèle possible à la pensée de Hu Ping. Celui-ci ne voit dans la Chine contemporaine aucun signe d'une démocratisation: le système ne se libéralise qu'en apparence et le règne du PCC, solidement installe au pouvoir, n'est remis en question ni par les réformes économiques, ni par le peuple, devenu apathique. Absence de véritable libéralisation Critique, Hu Ping l'est certainement, mais il n'oublie pas pour autant de noter quelques évolutions positives qu'a connues son pays. [...]
[...] La croissance économique que la Chine connait depuis plus de vingt ans se ferait uniquement au profit des élites. Apres avoir confisqué ses richesses au peuple sous le joug de l'oppression, le PCC privatiserait d'abord à son profit et l'ampleur de la spoliation actuellement en cours empêchera le peuple d'oublier ce phénomène. Imaginons une seconde que le peuple obtienne ses droits démocratiques ; qu'adviendra-t-il des leaders qui ont permis ce vol à grande échelle? Pour Hu Ping, la nature de la croissance chinoise est basée sur le vol des biens du peuple. [...]
[...] Plus largement, notons aussi que l'accroissement des richesses ne bénéficie pas qu'aux élites. En de la population vivait avec moins d'un dollar par jour, désormais: TAUX de pauvreté. En partant de ces chiffres, ne peut-on pas considérer que le PCC redonne actuellement au peuple les biens qu'il lui avait spoliés en 1949? Quoi qu'il en soit, nous ne reviendrons pas sur le fait qu'en Chine, la croissance économique renforce plus le parti qu'elle ne l'affaiblit. La démocratie ne peut donc venir que de l'opposition . Quelle opposition? [...]
[...] Mais nous sommes néanmoins forcés de noter qu'en Chine populaire, l'idéologie a perdu son dynamisme et ses ambitions de transformer la société: elle est davantage menée par cette dernière: voir à ce propos les "trois représentations" de Jiang Zemin. La censure perdure mais le parti n'a plus le monopole des moyens de communication. Il existe des limites légales à l'action de l'Etat alors que les libertés individuelles - certes circonscrites à certains domaines - sont reconnues. Le fantasme de l'un, c'est-à-dire la dénégation de la division entre l'Etat et la société, et des divisions internes à la société, a quant à lui été abandonné, bien qu'à contrecœur, comme en témoigne l'aversion du gouvernement chinois pour le terme lui préférant celui d'"organisations sociales". [...]
[...] Nous ne reviendrons d'ailleurs pas sur la conclusion de Hu Ping qui est que la démocratie en Chine, ce n'est pas pour demain. Simplement, démontrer cela aurait dû pouvoir se faire en tenant compte de toutes les facettes du système, sans n'en oublier ni n'en déformer aucune. Cela dit, une telle démarche prend tout son sens dans la logique de Hu Ping, qui est une logique d'action dont le succès dépend de la diabolisation -consciente ou inconsciente de l'ennemi-, d'autant plus nécessaire que celui-ci est coriace. Bibliographie indicative Chine, à quand la démocratie ? [...]
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