Nonna Mayer, le FN a réussi à regrouper deux types d'électeurs très différents : tout d'abord, les électeurs classiques, habitués et adeptes des idées véhiculées par l'extrême droite. Mais à ces électeurs qui forment le bastion irréductible se sont joints des électeurs plus marginaux, ceux que l'auteur appelle les « ninistes », c'est-à-dire les électeurs déçus des partis traditionnels, qui ne se reconnaissent ni dans la droite, ni dans la gauche, qui n'ont pas vraiment de valeurs ou de convictions idéologiques, et qui sont fréquemment abstentionnistes. D'autres caractéristiques propres au vote Front National sont analysées par Nonna Mayer : tout d'abord, c'est avant tout un vote pour un leader, Jean-Marie Le Pen, plus que pour un parti. L'électorat du FN repose sur des caractéristiques toujours vérifiées : les hommes sont plus enclins à voter FN que les femmes, les personnes ayant faits peu d'études soutiennent plus souvent le FN que les personnes diplômées, les personnes isolées dans la société, ou du moins se sentant marginalisées, c'est-à-dire ceux que l'auteur appelle les « seuls au monde » sont eux aussi attirés par le vote FN…
Mais l'auteur ne se contente pas de décrire les électeurs du FN : elle insiste aussi sur le renouveau idéologique de l'extrême droite, sur la personnalité de Jean-Marie Le Pen, sur la guerre que se livrent Le Pen et Bruno Mégret, et enfin sur le développement du vote extrême droite dans toute l'Europe, en montrant qu'il n'y a pas d'exception française, mais que ces partis ont eu des fortunes diverses en fonction de leurs positions et programmes.
Ces Français qui votent FN a donc pour vocation de révéler à la société française l'existence d'une fraction marginalisée de la population, qui ne se reconnaît pas dans le jeu politique traditionnel, et qui est même exclue de la société : le vote FN joue donc le rôle de « thermomètre de la démocratie et de l'attachement des électeurs aux valeurs républicaines » mais surtout révèle le rejet de la classe politique traditionnelle et la marginalisation d'une partie des français, qui voient dans le vote FN un moyen de protestation...
[...] Cet ouvrage est donc très riche à la fois en contenu et en illustrations, et fourmille d'exemples et de statistiques qui viennent appuyer les analyses de l'auteur. Nonna Mayer a donc réussi son pari de tordre le cou à certaines visions erronées que les Français avaient sur le FN et particulièrement sur ses électeurs ; ainsi, apprend-on que le cas du FN est loin d'être unique en Europe : au contraire, il paraît même être très banale. On peut aussi apprécier le regard lucide que porte l'auteur sur l'avenir du FN, concurrencé par le MNR, ainsi que sur les points communs et différences qui existent entre ces deux partis, qui ne semblent pas attirer le même type d'électorat, le FN étant plus populiste et populaire qui n'ont pas la même stratégie, le MNR étant favorable aux alliances temporaires avec les partis de la droite traditionnelle, alors que le FN y est catégoriquement opposé, quitte à faire ainsi le jeu de la gauche. [...]
[...] Les femmes refuseraient donc de voter FN car rejetteraient la conception traditionnelle de la femme subordonnée à son mari et gardienne du foyer. Ainsi, chez les électeurs, le refus d'accorder aux femmes les mêmes droits qu'aux hommes est un facteur déterminant du vote, facteur plus important encore que l'âge, l'éducation, les revenus Le vote masculin serait donc bien un vote sexiste. Le vote des femmes en faveur du FN ne s'explique pas vraiment par la volonté de défendre une conception traditionnelle de la femme ou de supprimer l'IVG : en fait, leur vote est plutôt la conséquence d'une condition socio-culturelle. [...]
[...] Ainsi, si les hommes seulement votaient, le FN aurait obtenu 20% des suffrages exprimés aux législatives de 1997. Enfin, depuis quelques années, on assiste à la montée de l'ouvriéro- lepenisme, qui est lié au fait que le FN ne s'inscrit pas dans la logique traditionnelle des partis conservateurs ou de gauche. Ainsi, en 1988, il prenait des voix aussi bien chez les patrons que chez les ouvriers. Mais à partir de 1995, tout change : une nouvelle tendance s'affirme, celle de l'éloignement à l'Eglise : le vote FN varie en fonction inverse du niveau de pratique religieuse. [...]
[...] avec P. Perrineau), Paris, Presses de Sciences-Po On retiendra surtout les articles suivants : Du vote lepéniste au vote frontiste Revue Française de Science Politique, juin-août 1997, p.438-453 et Les variables lourdes en sociologie électorale Enquête. Débats et controverses p.109-124. [...]
[...] Cependant, bien qu'il soit jugé antipathique, incompétent et non- convaincant par la très grande majorité des Français, une minorité reste prête à le soutenir à contre-courant de l'opinion générale. Mais avec la crise interne au sein de l'exécutif du FN, l'électorat se détourne de plus en plus de l'extrême droite. Cette crise résulte d'une opposition dans les conceptions des deux hommes : ainsi, Le Pen refuse toute alliance avec la droite, donc est partisan du tout ou rien, là où son ex-délégué général est prêt pour arriver au pouvoir à faire alliance avec la droite. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture