La réflexion menée dans Le cens caché débute par l'exposé de l'analyse qui prédomine dans le champ politique, postulant que tous les citoyens sont attentifs aux évènements politiques et compétents pour se prononcer sur les enjeux politiques. Partant du constat que de nombreuses enquêtes sociologiques ont montré que l'intérêt pour la politique est loin d'être universellement partagé et qu'il est inégalement distribué selon les classes sociales, les classes supérieures dans la hiérarchie sociale étant les plus politisées, Daniel Gaxie remet en cause cette analyse relevant du sens commun. L'auteur s'oppose donc à la théorie démocratique, en conduisant une enquête sociologique sur la politisation non pas dans l'optique d'un intérêt et d'une compétence universelle pour la politique, mais selon la thèse que la politisation est soumise à des conditions sociales déterminées.
L'analyse empirique est en conséquence conduite selon la problématique suivante : quel est le degré réel d'attention accordé par les agents sociaux aux évènements politiques, quels sont les facteurs qui favorisent la politisation ainsi définie et quelles conséquences produit cette inégale politisation ?
L'analyse secondaire de données issues de sondages selon cette problématique permet alors à l'auteur de définir les variables sociales qui déterminent les inégalités de politisation et de les expliquer.
[...] Cette analyse a été appliquée dans L'amour de l'art à l'intérêt et à la perception en matière d'art : les personnes dotées des schèmes d'évaluation artistiques, qui sont intégrés par les membres des classes supérieures par la socialisation familiale et développés grâce à l'institution scolaire qui leur donne les outils intellectuels pour appréhender et classifier les objets artistiques et une disposition à s'intéresser à ces sujets, sont capables d'analyser une œuvre, de la situer dans un courant artistique. Pour ces personnes, l'œuvre prend un sens : L'œuvre d'art considérée en tant que bien symbolique n'existe comme telle que pour celui qui détient les moyens de se l'approprier, c'est-à-dire de la déchiffrer. [...]
[...] Ces postulats légitiment également les professionnels de la politique dans l'exercice du pouvoir puisqu'ils sont censés représenter les intérêts et les positions politiques de leurs électeurs. La lutte pour le pouvoir est supposée être sanctionnée par le vote, qui permettrait aux citoyens tous intéressés par la politique et compétents pour se prononcer sur des enjeux politiques, les acteurs politiques détenant alors le pouvoir de manière légitime. La théorie de la démocratie participative fondée sur ces présupposés permet de légitimer la détention du pouvoir politique par une minorité. [...]
[...] Inégalités culturelles et ségrégation politique, Editions du Seuil Références complémentaires Daniel Gaxie, Au-delà des apparences Sur quelques problèmes de mesure des opinions. Actes de la Recherche en Sciences Sociales, 81/82, mars 1980. Pierre Bourdieu, L'opinion publique n'existe pas. Questions de Sociologie, Paris, Ed. de Minuit Emile Durkheim, Les règles de la Méthode sociologique, PUF-Quadrige Pierre Bourdieu, Alain Darbel, L'amour de l'art. Les musées d'art européens et leur public, Paris, Ed. [...]
[...] L'autonomisation du champ politique s'est faite avec l'apparition de l'Etat détenant le monopole de la contrainte physique légitime. L'apparition de ce champ politique autonome a pour conséquence que la lutte pour le pouvoir politique n'est plus le fait que d'une fraction de la classe dominante : les autres agents sociaux sont alors contraints de n'être que spectateurs de cette lutte. Par l'utilisation de ce concept de champ politique pour déterminer les pratiques politiques, Daniel Gaxie veut rompre avec l'idéologie de la participation politique et récuse une conception qui reconnaît l'existence d'une hiérarchie des formes de participation politiques. [...]
[...] L'analyse de ces données permet alors de mettre en évidence des variables déterminantes de la politisation. Produisant une autre rupture avec l'illusion démocratique, cette comparaison des variables explicatives ne fait pas de l'intérêt pour la politique le résultat d'un goût inné pour les enjeux politiques. En effet l'analyse des données statistiques met en évidence que l'intérêt pour la politique est fortement corrélé avec la classe sociale notamment quand la position dans la hiérarchie sociale est estimée en fonction du niveau d'études le sexe et l'âge. [...]
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