Patrick Weil, directeur de recherche au CNRS et spécialiste reconnu de la nationalité, cherche à retracer, dans Qu'est ce qu'un Français l'histoire du droit de la nationalité française. C'est une approche novatrice qui ne cherche pas à définir l'étant culturel du Français par rapport à l'histoire ou à établir une conception ex nihilo de la nation, mais qui répond à la question essentielle de qui et comment devient-on français. L'Etat moderne, construit sur la nation, établit avec ses gouvernés un lien de droit qui est la nationalité.
Dès lors, l'étude historique des comportements législatifs, juridiques et administratifs de l'Etat permet de saisir et d'appréhender la nationalité indépendamment des représentations collectives qui sont le fondement de l'Etat. Cela permet de comprendre l'élaboration et la complexification de la construction juridique de l'Etat, dont le droit de la nationalité est le reflet.
En outre, l'étude du droit de la nationalité reflète la manière dont l'Etat englobe et considère ses ressortissants, ainsi que la frontière plus ou moins poreuse qu'elle fixe avec les étrangers puisque la nationalité se transmet, par la filiation ou la naissance, et s'acquiert par divers moyens. Le droit de la nationalité peut aussi être un instrument au service d'autres impératifs : démographiques, économiques, sociaux, politiques et diplomatiques. En cela il est révélateur de la politique que l'Etat mène qu'elle soit libérale, restrictive, voire raciste.
[...] Quant à la femme, elle prend en se mariant la nationalité du mari. Le Code civil est donc clairement une régression pour la femme, y compris pour la femme étrangère qui ne peut plus se faire naturaliser ; cela renforce le statut de l'admission à domicile. La loi de 1927, après celle de 1922 aux Etats-Unis, met fin à la règle largement répandue au XIXème siècle de perte de nationalité pour la femme en cas de mariage. Cette loi a pour objectif de pallier au déficit du solde des acquisitions de la nationalité par mariage. [...]
[...] La Révolution française innove en établissant une définition du Français, d'abord dans les lois de 1790, puis dans la Constitution du 3 septembre 1791. C'est la première fois qu'une législation de la nationalité existe. Le critère de la naissance sur le sol est prédominant pour l'attribution de la nationalité. Les Constitutions de et 1799 maintiennent cette prééminence du droit du sol Prééminence du droit du sang et création d'un droit moderne En 1803 François Tronchet, un juriste de soixante-seize ans et doyen des rédacteurs du Code civil, impose à Napoléon Bonaparte le droit du sang comme critère dominant de transmission de la nationalité. [...]
[...] L'acquisition de la nationalité étrangère pour l'homme français est surveillée par le gouvernement, l'enjeu étant la conscription. Toutefois en 1954, on considère qu'il est vital pour le rayonnement de la culture française que l'on puisse conserver sa nationalité française, et donc la transmettre par le droit du sang. Depuis 1973, la femme aussi ne perd plus sa nationalité si elle en acquiert une autre. Petit à petit, la double nationalité a été admise en droit français sans que cela ne soit un problème, bien que la convention du Conseil de l'Europe prévoie d'éliminer les cas de double nationalité entre pays membres. [...]
[...] En 1803, la naturalisation est toujours censée intervenir de plein droit selon les dispositions de la Constitution de 1799 ; mais en 1809 l'Etat s'approprie le pouvoir en matière de naturalisation, c'est l'Empereur qui décide de la naturalisation. La seconde République fixe que l'attribution de la nationalité est la prérogative du gouvernement après avis du Conseil d'Etat. Cependant il est difficile d'obtenir la naturalisation pendant la majeure partie du XIXème siècle et la conscription dissuade fortement. En effet de 1815 à des décisions de naturalisation sont en fait des réintégrations dans la nationalité. Les étrangers se tournent donc vers un autre statut plus attractif, l'admission à domicile, qui a l'avantage d'offrir l'égalité des droits civils. [...]
[...] La nationalité en pratique et en comparaison : les oppositions à la théorie 1. L'organisation de l'administration L'avènement du Bureau du Sceau en 1849 marque une étape nouvelle dans l'histoire administrative du droit de la nationalité. C'est lui qui est autorisé à statuer sur les naturalisations après sa propre enquête, alors qu'auparavant c'était les pouvoirs locaux qui avaient la compétence de recueillir les documents et d'enquêter. A partir de 1889, le Bureau du Sceau, qui dépend du Ministère de la Justice, décide, seul, des naturalisations, l'avis du Conseil d'Etat n'étant plus nécessaire et la Préfecture livrant les enquêtes. [...]
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