En 1789, lorsque la Révolution française survient, de nombreux bouleversements culturels ainsi que des mutations sociales permettent a posteriori, de l'expliquer, sans pour autant lui donner un caractère inéluctable. Surtout, il s'opère à cette occasion une véritable révolution copernicienne dans la conception d'une société politique, puisque la nation cesse de s'incarner dans la personne du souverain pour incomber désormais à la représentation nationale élue : l'Assemblée Nationale.
Ce bouleversement fondateur ne représente cependant pas l'achèvement du processus démocratique, mais plutôt son point de départ, à partir duquel découle toute l'histoire politique et constitutionnelle française jusqu'en 1914. L'apprentissage de la démocratie en France est long et difficile, dans la mesure où il s'agit d'une expérience inédite dans l'histoire politique française. La démocratie est « inventée » tout au long du XIXème siècle par les différents acteurs politiques, parmi lesquels pour la première fois le peuple lui-même. C'est cette invention de la démocratie que Serge Berstein et Michel Winock s'attachent à analyser dans leur ouvrage, intitulé justement L'invention de la démocratie 1789-1914, Seuil, 2002.
En quoi le suffrage universel et son apprentissage progressif permettent-il d'envisager la structuration de la vie politique française dans son nouveau cadre démocratique au cours du XIXème siècle ?
Nous verrons tout d'abord de quelle façon Serge Berstein et Michel Winock mettent en évidence le rôle structurant du suffrage universel dans le développement d'un espace publique démocratique. Puis seront montrées les points sur lesquels l'analyse des deux auteurs présente quelques lacunes, malgré le prisme assez large au travers duquel ils envisagent l'apprentissage de la démocratie, plus particulièrement l'exclusion des femmes dans le suffrage universel. Enfin, nous nous focaliserons sur l'un des aspects les plus intéressants en matière de structuration de la vie politique française, c'est-à-dire l'émergence et la structuration des partis politiques.
[...] En effet, ceux-ci prennent bien la précaution de ne parler que de suffrage universel masculin dans la mesure où les femmes sont exclues du suffrage universel dès 1848 et cela jusqu'en 1945. Mais si les auteurs mentionnent cet état de fait, et recensent les diverses tentatives de mouvements en faveur du vote des femmes, l'explication de cette exclusion est à peine esquissée au travers de deux interrogations laissées sans réponse : Faut-il incriminer le machisme sous-jacent à l'idéologie républicaine ? [...]
[...] Mais là encore, ce genre de situation tend à disparaître vers 1914. Une pluralité des formes de participation au débat politique Le suffrage universel direct induit la mise en place d'outils modernes pour envisager la vie politique. C'est le cas dans le camp des républicains, où se multiplient les comités, dont le but est de se rapprocher du citoyen tout en menant une propagande efficace et en contribuant à financer les campagnes électorales. Les comités introduisent le militantisme, nouvelle forme de participation politique, et confient aux militants la responsabilité de désigner les candidats aux élections locales. [...]
[...] On constate aussi ce phénomène au sein de la classe ouvrière, dont les aspirations sont républicaines quoique souvent assez radicales voire socialistes. Malgré tout, les réseaux anciens subsistent encore quelques temps, et il n'est pas rare que des familles de notables souvent nobles aient la mainmise sur telle ou telle circonscription, en vertu d'un attachement ancien des électeurs locaux à cette famille. Néanmoins, les difficultés de financement de campagne alliées à la défaillance de l'appui du clergé et des autorités administratives locales réduit au fur et à mesure ce genre de situation. [...]
[...] Ces nouvelles conditions de l'exercice de la citoyenneté sont consacrées par la Constitution de la IIème République, votée le 4 novembre 1848. La méfiance à l'encontre du suffrage universel, commune aux traditionalistes et aux libéraux, est néanmoins illustrée par le mode d'élection du président de la république. En effet, il n'y a qu'un tour, à l'issue duquel si un candidat ne recueille pas la majorité absolue des suffrages exprimés et au moins 2 millions de voix, l'Assemblée choisit parmi les cinq meilleurs candidats le futur président. [...]
[...] La droite a pour sa part moins de prédispositions naturelles à encadrer les masses et canaliser les suffrages autour d'un parti, et s'organise politiquement par le biais d'organes de presse et par des réseaux de fidélité plus que par des structures partisanes. Au demeurant, l'essoufflement du monarchisme et du bonapartisme ainsi que l'échec du boulangisme entérinent cette faible participation politique de la droite. Les divergences entre catholiques ralliés et catholiques traditionalistes contribuent aussi à l'éclatement des tentatives d'union de la droite. [...]
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