En deux siècles d'existence, la démocratie représentative connaît de profonds changements. Ainsi, dans la seconde moitié du 19ème siècle, au modèle alors dominant du parlementarisme se substitue celui de la démocratie de partis. Le lien représentatif s'en trouve modifié : l'émergence de partis de masse organisant leur compétition autour de programmes politiques précis semble favoriser l'identification des gouvernants et des gouvernés, et la participation active des représentés à l'orientation de la politique gouvernementale. La démocratie de partis s'impose alors comme une avancée démocratique positive et irréversible, approchant l'idéal de l'auto gouvernement du peuple. Pourtant, le début du 20ème siècle est marqué par le discours sur la crise de la représentation : la pratique actuelle du gouvernement représentatif conduirait à la fragilisation, voire la disparition, des acquis de la démocratie de partis, en faisant notamment ressurgir certaines propriétés du parlementarisme. Or, cette résurgence, loin de signifier régression, laisse pressentir une continuité des différentes modalités de gouvernement représentatif. Tout comme l'installation de la démocratie de partis fut d'abord interprétée comme une menace pour la représentation, la crise actuelle identifierait en réalité une nouvelle forme du gouvernement représentatif : « la démocratie du public ». L'analyse du lien représentatif dans trois « idéaux-types », modèles dominants en un lieu et en un temps, du gouvernement représentatif – le parlementarisme, la démocratie de partis et la démocratie du public – permet d'identifier d'une part la singularité de cette nouvelle forme de gouvernement ; d'autre part, les continuités entre ces différents modèles.
[...] Les trois modèles de gouvernement représentatif se distinguent par l'application pratique de ces principes. Dans le modèle du parlementarisme, l'élection consacre la confiance que porte une communauté locale d'électeurs à un individu, le notable Le vote traduit une relation sociale particulière et non un positionnement en fonction d'idées politiques. Le vote du député est ainsi parfaitement libre : il n'est soumis à aucune autre volonté que la sienne. Il est alors probable, voire nécessaire, que l'opinion publique et l'opinion du Parlement ne coïncident pas. [...]
[...] En réalité, l'indépendance du gouvernant s'exprime autrement. La compétition partisane fait entrer le risque de dérive violente à l'intérieur du Parlement : la stabilité des comportements électoraux, qui entérine pour une période indéfinie les statuts de majorité et de minorité, favorise le recours à la force. Toutefois, dans les démocraties de partis viables (c'est-à-dire pacifiée par la transposition du conflit des opinions et des intérêts dans un lieu codifié), ce risque de dérive violente est justement ce qui conduit le parti majoritaire à rechercher le compromis ; l'apaisement ne pouvant venir d'une sphère sociale dont la sphère partisane est le parfait reflet. [...]
[...] La pertinence de la métaphore du marché pour signifier le système électoral supposerait que l'électeur pré-définissent et expriment des demandes précises indépendamment de l'offre électorale. Or, l'électorat s'apparente plus à un public réagissant, par le vote, aux propositions émises par l'acteur politique sur la scène publique Cette modalité du lien représentatif inaugure la démocratie du public La marge d'indépendance du représentant réside dans le choix du clivage qu'il décide d'activer ; elle est toutefois limitée par un champs de clivages possibles, vraisemblables. [...]
[...] - A la différence des gouvernants d'une démocratie directe, ceux d'une démocratie représentative jouissent d'une relative indépendance: ni la promesse électorale, ni la voix du peuple qui s'exprime hors du vote n'ont de caractère légalement impératif ou contraignant. L'épreuve périodique de l'élection se charge de rappeler aux gouvernants qu'ils sont comptables de leurs actes devant le peuple. - Le gouvernement représentatif implique la possibilité d'une opinion publique politique parfaitement libre. La production d'une telle opinion suppose de publiciser l'information politique et de garantir les libertés fondamentales d'expression, de réunion et d'association. Ces dispositions permettent une sorte de surveillance permanente de l'opinion publique sur l'activité des gouvernants. [...]
[...] Les discussions ont désormais lieu à l'intérieur des partis (pour définir un programme politique précis ou les modalités d'un éventuel compromis) et entre les dirigeants de chaque parti lorsque la recherche d'un consensus s'impose. Le discours actuel sur la crise de la représentation dénonce, notamment, l'ampleur de la volatilité électorale comme le signe du malaise du lien représentatif et, de fait, comme une menace pour la survie du gouvernement représentatif. Or, depuis les années 1970, les clivages économiques, sociaux et culturels, et les étiquettes partisanes qui favorisaient la stabilité des comportements électoraux, ne sont plus les seules variables déterminant l'orientation du vote. [...]
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