Pour appréhender cet ouvrage dans sa spécificité, il faut comprendre qu'il est le fruit de trois volontés réunies par la soudaineté du décès de son auteur principal. A la suite d'un long combat contre la maladie, Annick Percheron disparaît en 1992 alors qu'elle projetait de rassembler une grande partie de ses travaux sur la socialisation politique en un manuel à vocation pédagogique qui lui permettrait de faire une synthèse et un bilan sur ce champ de recherche. Ses collègues et amies au CEVIPOF Nonna Mayer et Anne Muxel ont alors décidé de donner vie à ce projet.
Issu des volontés conjointes d'Annick Percheron, de Nonna Mayer et d'Anne Muxel, « la socialisation politique » n'est pas qu'une simple agrégation de travaux issus de diverses publications et rassemblés en un livre. Bien au contraire, dans le respect de la démarche synthétique que désirait suivre A. Percheron, il s'agit d'un recueil cohérent de ses principaux textes sur la socialisation politique, ordonnancé thématiquement entre quatre parties. La première présente les principales approches de la socialisation politique, la seconde le rapport des enfants à la politique, la troisième les mécanismes de la transmission politique au sein de la famille et la quatrième s'interroge sur les effets politiques de l'âge.
En tout juste 200 pages, ce sont trente années de recherches sur la socialisation politique qui sont condensées. 200 pages très riches où l'apport d'Annick Percheron apparaît dans toute sa complexité et sa finesse.
C'est dans les années 60, quand A. Percheron enseigne les lettres et l'histoire dans un collège de jeunes filles, que lui vient l'idée d'entreprendre des recherches sur le fonctionnement de la formation politique des enfants. Ce seraient les nombreuses questions de ses élèves sur l'actualité et la politique qui l'auraient conduite à reprendre ses études à Sciences Po (1965-67) (Mayer, 1993) et entreprendre une thèse de doctorat sur l'univers politique des enfants pour finalement se concentrer sur la recherche et abandonner l'enseignement secondaire. Elle va parachever sa formation aux Etats-Unis à l'Université de Chicago, puis du Michigan (1966-67) où elle développe un goût pour le travail empirique qui a marqué ses travaux tout au long de sa vie et qui s'inscrit dans la tradition empirique critique. Par la suite, elle cherche essentiellement à structurer le milieu français des sciences politiques (Wolton, 1991) et prend des responsabilités au sein du CNRS, successivement en tant que directeur de recherche, puis directeur adjoint du Département des sciences de l'homme et de la société (83-88), mais également au sein du CEVIPOF où elle est directeur de 1987 à 1991. Elle a également fondé (avec Alain Lancelot) et dirigé l'Observatoire interrégional du politique de 1985 à sa mort.
C'est de son thème de recherche principal qu'il va maintenant être question : la socialisation politique.
Il convient ici de procéder dans un premier temps à la retranscription du contenu du livre pour dans un second temps en faire une discussion argumentée.
[...] Annick Percheron conclut sur l'idée que les jeunes peuvent être le baromètre de l'opinion Le terme de génération est lié à un évènement historique marquant : Guerre d'Algérie, ou mai 68 pour nos contemporains. Construite a posteriori, la génération permet de redéfinir le monde tel qu'il a été bouleversé par l'évènement en question. Le travail de la mémoire fait souvent grossir les rangs de la catégorie qui est sortie symboliquement vainqueur de cet évènement. On observe que ce sont dans les deux cas les 18-25 ans qui formaient le nerf de la génération manifestante. [...]
[...] Au sein de la famille en France de la population parlent rarement ou jamais de politique à la maison. Chiffre élevé, mais dans la moyenne des autres pays avec de grandes différences tout de même Allemagne). Les parents français comme les Américains reconnaissent dans la moitié des cas une proximité idéologique à leurs progénitures qui sont seulement 14% à en déclarer une (soit trois fois moins). Inversement, les enfants ne connaissent la préférence idéologique de leur parent que dans un cas sur deux alors que les parents affirment une préférence idéologique dans 3 cas sur 4. [...]
[...] On peut tout de même se demander si le refus des partis établis ne pousse pas peut-être vers le vote de protestation pour un parti anti-establishment, à l'extrême droite, mais également à l'extrême-gauche, à voter pour des partis qui déplacent le débat sur des clivages plus populistes et efficaces, en lançant des débats sur des thématiques identitaires, xénophobes Bibliographie complémentaire - WOLTON Dominique, Annick Percheron, in Hermès, numéro - MAYER Nonna, In memoriam : l'apport d'Annick Percheron à la sociologie, in Revue française de sociologie, volume 34, numéro 34-1, pp. 125 NORRIS Pippa, Radical Right Voters and Parties in the Electoral Market. New York: Cambridge University Press - GOGUEL François, Paysans de l'Ouest. Des structures économiques et sociales aux options politiques depuis l'époque révolutionnaire dans la Sarthe, in Revue française de science politique, volume 11, numéro p 983-987. [...]
[...] Les parents montrent en effet une volonté de protéger leurs enfants de la corruption et du rapport de force qu'ils perçoivent dans la politique. Un premier paradoxe est qu'ils se représentent souvent les autres jeunes comme très politisés tandis qu'ils considèrent leur enfant comme apathique. De la même façon, les écoles craignent que de telles enquêtes renforcent la politisation des élèves, pourtant très faible. De telles réactions ne sont pas étrangères à la prééminence dans la société du principe de la neutralité scolaire. [...]
[...] Annick Percheron utilise cet exemple : des parents qui n'énoncent pas leurs préférences ont plus de chances de les transmettre qu'un professeur qui les énonce. En outre, les élèves sont distants des professeurs qui, à l'âge de la formation des préférences durables des enfants (10-16 ans), sont nombreux à leur enseigner ; ce qui n'est pas favorable à la création d'un lien intime entre le professeur et les élèves. En plus, la plupart des professeurs font preuve de déontologie et ne dévoilent pas leurs opinions politiques. [...]
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