Ordre moral, consensus obligé, prévention généralisée : telle est la charte d'une société française hantée par une véritable religion de la sécurité. Pas un jour ne se passe sans que soit annoncée quelques mesures de redressement des mœurs, de « transparence », d'« évaluation » ou de contrôle ; pas un jour, sans que ne soit sollicité l'avis de quelques Sages, ou créé un nouveau Comité ; pas un jour, sans que ne soit ouvert le procès d'une mémoire. Selon l'auteur, Alain-Gérard Slama, historien et journaliste au Figaro et au Point, mais aussi Normalien et enseignant à l'IEP de Paris, cet angélisme est totalement étranger à la culture républicaine, pour laquelle la morale est affaire d'éducation et de conscience. Il dérègle les institutions en faisant reposer la légitimité sur l'expertise, aux dépens de l'élection. Il affaiblit la justice en substituant la prévention à la sanction. Il insulte l'individu en le considérant à la fois comme irresponsable et comme suspect. Il étend sur la société un contrôle social sans précédent depuis le régime de Vichy. Ce n'est pas ainsi qu'une démocratie peut survivre. Dans la crise mondiale de cette fin de siècle, refonder la doctrine occidentale de la responsabilité n'est pas un luxe de riches, mais une urgence absolue.
[...] C'est ainsi qu'à chaque initiative nouvelle contribuant à resserrer le réseau de surveillance, on a l'impression que la société en redemande. Les vieilles mythologies du complot, qui sont l'envers de l'obsession de la transparence, ont à peine besoin d'être sollicitées pour animer les passions : un jour contre les pollueurs le lendemain contre la pieuvre de la corruption Le mélange des genres, entre juridiction et évaluation par exemple, est alors, aussi, une occasion de conflits entre les pouvoirs. VI. Les juges contre les experts. [...]
[...] Dans une culture où tout est politique, il appartient au politique de savoir reconnaître qu'il n'est pas tout. C'est à cette condition qu'il sera lui-même reconnu, et que les minorités ne seront ni opprimées ni opprimantes. Les frontières du politique sont politiques. Or, dans le nouvel Ordre moral, il semble que toutes les mesures adoptées et précitées ont été proposées par l'exécutif, inspiré par les comités d'experts, et que les seuls débats qui sont intervenus ont été le fait de groupes de pression. [...]
[...] Nos libertés sont grignotées en permanence par les nomenclatures des mesures d'ordre moral, dont l'accumulation ne laissera bientôt plus aucun espace libre. Ainsi, la bronchite étant responsable, chaque année, de milliers de morts, et d'accidents cardiaques ruineux pour la collectivité, l'auteur se demande de manière ironique s'il va être nécessaire de créer un plan - bronchite comportant l'obligation du port du foulard dans les courants d'air. Le problème avec le pouvoir de l'expertise est qu'il tend à ne connaître aucune limite : il n'est aucun domaine, dans son optique, où l'organisation ne puisse et ne doive se substituer aux volontés particulières. [...]
[...] Trois débats pourtant fondamentaux sur l'identité de la droite n'ont pourtant pas eu lieu. En effet, selon la droite les intérêts n'opposent pas les hommes, si ces derniers s'inscrivent dans un ordre naturel. Or ce positionnement aurait dû faire de la droite la gardienne de la volonté générale, de la Justice et de l'école et la critique de l'explosion des néo-corporatismes, des comités et des experts. En outre, la droite pense les relations économiques et sociales en terme de stratégies individuelles ou d'effets pervers, mais elle prend soin de les apprécier en fonction des valeurs et des sentiments propres à un milieu. [...]
[...] A contrario, une société libre est celle qui met le moins possible l'accent sur la prévention et qui ne regarde pas la personne humaine sous le rapport de prévisibilité II. John Stuart Mill VS Jeremy Bentham. La question du rapport entre la prévention et la sanction a été posée par John Stuart Mill, dans sa discussion des thèses de Bentham. Si Bentham se prévalait de l'humanisme et distinguait le système de surveillance du système de l'inspection (ou en termes modernes système de transparence il voyait en fait les possibilités de totalitarisme non dans l'abus de la prévention, mais dans l'abus de la sanction. [...]
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