Olfa Lamloum est une politologue d'origine tunisienne chargée de cours à l'Université de Paris X. Elle est la co-directrice de la revue Confluences Méditerranée et a assuré la direction de publication de l'ouvrage « Irak : les médias et la guerre » en 2003, a co-écrit « La Tunisie de Ben Ali » en 2002. Elle a investi la place publique en 2004, lorsqu'elle a violemment protesté le jour de sa naturalisation à la mairie de Nanterre, contre l'interdiction qui était faite à cinq femmes voilées de pénétrer dans l'enceinte du bâtiment administratif français.
Al Jazira est née dans un contexte de désordre arabe où les mutations politiques, technologiques et géopolitiques de la région depuis 1990 ont rendu possible l'émergence d'une chaîne radicalement différente de ce que les Arabes connaissaient jusque là. Olfa Lamloum montre que l'ambition d'Al Jazira à ses débuts n'était pas de concurrencer CNN ou BBC World qui n'étaient regardées que par une élite mais bien d'investir cette rue arabe analgésiée par des années de dictature médiatique et habituée aux « soap operas ». L'auteur se différencie de nombreux experts qui considèrent le monde arabe comme une exception culturelle à la démocratie. Elle les critique et dit : « cette chaîne qui apparaît à première vue comme une anomalie dans un environnement institutionnel à première vue hostile à la démocratie et à la liberté d'opinion, n'a rien à voir avec une supposée schizophrénie arabe ».
[...] On aurait aimé qu'elle prenne du champ et adopte un regard distancié Lahsen Oulhadj). Il me semble que l'on peut critiquer le travail de chercheur dans le sens où cet ouvrage n'est pas une analyse académique ou journalistique mais plus un essai visant à démontrer le pouvoir d'Al-Jazira où l'auteur s'identifie totalement, se passionne pour les personnes qu'elle a interrogées pour son essai. Cette prise de position est tout à fait honorable pour un essai engagé mais ne peut tenir lieu d'analyse journalistique et encore moins académique qui exige que l'auteur prenne du recul par rapport au sujet de son analyse. [...]
[...] La chaîne de L'opinion et son contraire Le modèle pluraliste d'Al Jazira est à l'origine même de sa création récupérée du modèle BBC qui avait échoué deux ans auparavant. Les journalistes sont de multiples nationalités, on trouve des chrétiens, druzes, sunnites, chiites ce qui évite toute complaisance politique ou religieuse de la chaîne. La chaîne se fait l'écho des oppositions et des contradictions de la région, et la crédibilité de la chaîne passe par la présentation d'opinions divergentes sur les thèmes de société par excellence de l'espace arabe : l'islamisme, les conflits régionaux, la politique, le droit des femmes, etc . [...]
[...] Al Jazira conteste l'hégémonie occidentale mais elle diffuse aussi le message des sans voix courants minoritaires ou opposants- du Moyen-Orient. La preuve de son succès n'est pas seulement le taux d'audience record que réalise Al Jazira sur la zone ou l'intérêt que lui porte la Maison Blanche, mais aussi le fait que les voisins régionaux ont voulu concurrencer Al Jazira en reprenant ses méthodes (Al Arabiya et Abu Dhabi TV principalement). La chaîne est donc rebelle par son impertinence médiatique mais elle est aussi un miroir ambigu des sociétés arabes qui sont plurielles et tiraillées par leurs contradictions intérieures. [...]
[...] Ainsi, les ministres israéliens sont invités sur Al Jazira tout comme Thomas Friedman ou Martin Hyndik ce qui brise un tabou médiatique arabe. La société : La chaîne enfin, au niveau sociétal, présente l'opinion d'ONGs, elle donne la parole aux femmes dans la diversité, que ce soient des militantes islamistes, laïques ou en proposant des reportages de journalistes femmes, ce qui était novateur à l'époque de la création de la chaîne. III. Un média arabe qui pèse dans les conflits régionaux et fait un pied de nez à l'hégémonie américaine L'Afghanistan : Al Jazira émerge sur la scène internationale grâce à sa présence exclusive sur le terrain au début des opérations en Afghanistan alors que les autres chaînes sont bloquées à la frontière pakistanaise. [...]
[...] Al Jazira présente une vision alternative aux télévisions d'Etat des pays arabes et dérange cet espace clos où aucune information alternative ne filtrait. Pour preuve, les pays arabes ont déposé plus de 500 plaintes contre la chaîne et certains pays refusent à la chaîne le droit à implanter un bureau dans le pays (Algérie, Irak, Tunisie ) où l'on fermait temporairement (Autorité Palestinienne). Ses sujets centrés à 73% sur le monde arabe donnent à voir une vision élargie des conflictualités qui structurent la zone, aux 50 millions de spectateurs que revendique la chaîne. [...]
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