Denis Cogneau, directeur de recherche à l'IRD (Institut de Recherche pour le Développement), est enseignant à l'EHESS axe ses thèmes de recherche sur les inégalités, la justice sociale, l'éducation et la santé.
Il nous offre ici une vision schématique de la situation africaine du point de vue des inégalités, et leurs origines historiques.
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Afrique, continent contrasté où se pérennise les inégalités entre les peuples et les pays, est touchée par de nombreux conflits ethniques qui bien souvent découlent de disparités socio-économiques.
Un statisticien italien a tenté de chiffrer ces inégalités par le biais du coefficient de Gini qui considère que « 0 » représente l'égalité parfaite et « 1 » l'inégalité totale (c'est à dire qu'une personne dispose de tout le revenu disponible). L'Afrique se caractérise pour son coefficient le plus inégal du globe : 0,61. D'autres scientifiques ont établi l'indice de Theil qui représente aussi une égalité absolue pour 0, mais l'indice 1 indique une inégalité où une société où 82,4 % des peuples ont 17,6 % des ressources et 17,6 % des peuples ont 82,4 % des ressources. De même, plus le chiffre est élevé (0,80 en Afrique subsaharienne) plus les disparités sont fortes.
Une nuance est à observer puisque les pays d'Amérique Latine se ressemble plus entre eux (8%) au niveau des inégalités qu'aux pays africains (50%). L'Afrique combine des inégalités internationales et intranationales dues en partie à son histoire coloniale qui a renforcé les inégalités préexistantes (entre les régions côtières et le reste du territoire). Il existait donc déjà des inégalités avant que les colonisateurs n'arrivent, ils n'ont fait que les accentuer. La métropole, afin d'assurer son assise sur le territoire colonisé et sa population, s'est appuyée sur les élites locales. Le territoire étant vaste, il ne pouvait contrôler tout le territoire et avait besoin d'un appui local. Les élites africaines sont donc aussi responsables que les puissances coloniales de l'exploitation des ressources africaines. Elles sont rentrées dans le jeu des occidentaux qui prétextant le lourd fardeau de l'homme blanc ayant une mission civilisatrice ont manigancé le pillage de l'Afrique.
[...] L'administration coloniale a forgé les inégalités spatiales durables entre les pays et au sein des pays. Il existe donc de forts écarts de développement entre les états. A noter que les disparités de niveau de vie entre les pays d'Afrique ont doublé entre 1960 et 1990. Les frontières ont aussi joué un rôle prépondérant dans l'explication de la persistance des inégalités. L'influence des frontières post coloniales ont engendré une série de force centripète : une réorientation des flux migratoires vers la capitale ; la création d'un espace monétaire et commercial national, et la limitation des flux d'immigration aux frontières. [...]
[...] Ainsi, l'avantage quantitatif des anciennes colonies britanniques en matière d'éducation ne s'est pas traduit sur un développement accru sur le plan sanitaire ou de la croissance. Cette différence dans l'utilisation de l'enseignement a amené une différence perceptible : la ségrégation subie par la classe instruite fut un motif supplémentaire de rejet des liens avec le colonisateur britannique alors que les liens entre l'élite instruite restreinte a permis une plus forte association avec la métropole française. Dans les années 80, la crise de la dette instaure une nouvelle dépendance puisque les pays du Tiers monde doivent suivre les plans d'ajustements structurels imposés par le FMI, ce qui se traduit par une nouvelle ingérence occidentale dans les affaires africaines. [...]
[...] Observons maintenant l'exemple du Ghana où le Nord a été considéré comme un réservoir de main-d'œuvre par les colonisateurs reproduisant le comportement du royaume Asante qui y prélevait ses esclaves avant la colonisation. Les colonisateurs n'ont pas cherché à rétablir la situation, ils ont profité des inégalités pré existantes pour les exploiter à leurs profits. Une fois de plus, l'auteur ne souligne que très peu le comportement profiteur des colonisateurs qui se vantaient d'être les promoteurs d'une mission civilisatrice alors qu'ils ne faisaient que perpétuer des comportements profiteurs. On retrouve aussi le même processus en Ouganda où le Sud a été favorisé. [...]
[...] La loyauté (achetée) de ces chefs permettait de ne pas placer trop de forces militaires pour contrôler l'ample territoire. Une décentralisation de l'autorité entre métropole et élites africaines fut nécessaire afin de contrôler les vastes territoires colonisés. Nous sommes ici en présence d'une première source d'inégalité puisque les colonisateurs ont choisi de transférer leur autorité aux chefs locaux en les tenant comme supérieur. Prenons l'exemple du Rwanda que l'auteur n'a pas évoqué (prenant plutôt comme source d'analyse le Ghana ou la Côte d'Ivoire), les Belges ont décidé d'octroyer le pouvoir aux Tutsi puisqu'ils étaient plus aptes selon eux à gérer l'administration du pouvoir (compétences vérifiées avant la colonisation). [...]
[...] Il existait donc déjà des inégalités avant que les colonisateurs n'arrivent, ils n'ont fait que les accentuer. La métropole, afin d'assurer son assise sur le territoire colonisé et sa population, s'est appuyée sur les élites locales. Le territoire étant vaste, il ne pouvait contrôler tout le territoire et avait besoin d'un appui local. Les élites africaines sont donc aussi responsables que les puissances coloniales de l'exploitation des ressources africaines. Elles sont rentrées dans le jeu des Occidentaux qui prétextant le lourd fardeau de l'homme blanc ayant une mission civilisatrice ont manigancé le pillage de l'Afrique. [...]
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