Dans cet ouvrage publié en France en 1992 chez Plon, Jean-François Revel (1924-2006) fait une fois de plus la preuve de ces talents de pamphlétaire. De son vrai nom Jean-François Ricard, l'auteur est né en 1924 à Marseille. Après des études à l'Ecole normale supérieure, il obtient l'agrégation de philosophie, discipline qu'il enseigne successivement en Algérie, à Mexico et à Florence, puis à Lille et à Paris. Il abandonne ensuite l'enseignement pour le journalisme, au sein notamment de « L'Express », dont il devient directeur à la fin des années 1970, mais aussi « Le Point » et des radios Europe 1 et RTL. Il se consacre également à l'écriture sur des sujets aussi divers et variés que la politique, la philosophie, en passant par la littérature et la gastronomie. Il devient une voix incontournable du libéralisme modéré dans les débats idéologiques et politiques, notamment dans les années 1970 et 1980, et obtient un siège à l'Académie française depuis 1997.
Après avoir rendues publiques ses réflexions très critiques sur l'académisme de l'enseignement de la philosophie dans les universités françaises avec « Pourquoi des philosophes ? », puis sur le marxisme dans « Ni Marx ni Jésus » (1970) et « La Tentation totalitaire » (1976), le prolifique écrivain revient ici à l'un de ses thèmes favoris : les institutions de la Vème République.
Il se fait alors l'écho de François Mitterrand, qui, en 1964, dénonçait déjà dans « Le Coup d'Etat permanent », la pratique gaullienne du pouvoir, conférant au Président de la République une autorité et un pouvoir considérables. Pour lui, gouvernement et Parlement s'en trouvent marginalisés au profit d'un Chef de l'Etat non pas arbitre, comme le stipule l'article 5 de la Constitution, mais détenteur d'un pouvoir personnel tel qu'il fait de lui un personnage tout-puissant. Jean-François Revel s'inscrit ici dans la même optique, mais choisit une approche neutre du point de vue partisan. Le lecteur est averti : s'il s'en prend à la pratique du pouvoir de tel ou tel Président, ce n'est que dans le but de montrer les conséquences néfastes de l'étendue des prérogatives présidentielles, et, de là, de l'effacement des autres institutions –Parlement, juridictions…-. Et c'est pour lui un combat de longue haleine : dès 1959, il dénonce vigoureusement notre mode d'exercice du pouvoir dans « Le Style du Général », puis réitère en 1965 avec « En France ou la fin de l'opposition » ainsi que dans nombre de ses articles, qu'il présente ici en annexe. L'ouvrage que nous allons étudier est conçu comme le point d'orgue de cette entreprise. L'auteur y analyse rigoureusement, point par point, le processus qui nous a menés à ce qu'il a baptisé « l'absolutisme inefficace », ainsi que les modalités d'exercice de celui-ci.
[...] En effet, il apparaît indubitablement beaucoup plus critique à l'égard de F. Mitterrand que de tous les autres Chefs de l'Etat. Certes, le fait que celui-ci ait dénoncé dans Le Coup d'Etat permanent la pratique du pouvoir du Général de Gaulle pour faire de même quelques années plus tard reflète un certain manque de cohérence et mérite d'être souligné. D'autres auteurs tels que Pierre Pactet n'hésitent pas à dénoncer une colonisation de l'appareil d'Etat ainsi qu'une démarche quasi- monarchique quant aux deux septennats mitterrandiens. [...]
[...] Revel prévient le lecteur que pour lui la réforme de 1962 instaurant l'élection du Président de la République au suffrage universel direct ne constitue en rien un tournant dans la présidentialisation de la Cinquième République. Ce point de vue semble difficilement compréhensible, puisque certes la Constitution de 1958 contient en germe la possibilité de l' »hypertrophie présidentielle mais cette dernière a été rendue possible par l'autorité considérable que le Président a gagné par la voie de son élection au suffrage universel direct (mode de scrutin qui n'avait servi à l'élection d'un seul Président dans l'histoire française : Louis-Napoléon Bonaparte, qui rétablit ensuite l'Empire). [...]
[...] Une absence de cohérence des institutions, un Président tantôt autoritaire tantôt démagogue sont donc selon Revel les conséquences de l'invulnérabilité et de l'irresponsabilité du Chef de l'Etat, de même que la possibilité de se dérober devant la nécessité de prendre des décisions risquant d'être impopulaires. Le chapitre six de l'ouvrage tente ensuite de décrire les transferts d'irresponsabilité autrement dit la protection accordée aux favoris du Président au détriment de la loi, résultant selon les partisans de F. Mitterrand d'un sens de la fidélité n'ayant aucun fondement légitime à un tel niveau de la prise de décision. [...]
[...] Point de créativité des cabinets ministériels et des partis, dont les dirigeants sont trop obnubilés par leur devenir personnel, tel est donc la contrepartie du présidentialisme choisi en 1958. Revel poursuit sa critique de la présidence à la française en dénonçant l'anéantissement de la justice que cette dernière implique. Il est inscrit dans la Constitution que le Président est en charge de la nomination de l'intégralité des membres du Conseil supérieur de la magistrature. Il préside aussi ce Conseil, qui n'émet que des avis de nature purement consultative ; il nomme directement ou indirectement tous les juges. Dès lors, la soumission du pouvoir judiciaire au Président apparaît complète. [...]
[...] Revel s'essaie ensuite à une description d'ordre psychologique du Président de la République, de ses motivations, de son quotidien ainsi que de ses méthodes pour gouverner. Dans un chapitre 7 significativement baptisé «Gouverner, c'est nommer, ou de l'autocratie à la kleptocratie», Jean-François Revel, qui décidément n'approuve pas les méthodes mitterrandiennes, rappelle que le Président dispose d'un pouvoir de nomination à tous les emplois civils et militaires de l'Etat pouvoir qu'il utilise pour placer ses amis aux plus hautes fonctions, quand bien même ceux-ci ne peuvent justifier des compétences techniques suffisantes. [...]
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