Depuis l'après guerre et notamment le début des années 1960, le nombre d'étudiants est en constante progression. Dans son ouvrage La noblesse d'Etat, Bourdieu met en exergue cette dynamique ; il parle même d'un « flot » d'étudiants . A ce phénomène, il est possible de trouver plusieurs explications : d'une part, le baccalauréat étant devenu un diplôme plus accessible, les universités et l'enseignement supérieur en général se sont imposés peu à peu comme des voies d'enseignement ordinaires. Leur succès fut garanti par l'ouverture à tous sans concours et à l'élargissement des disciplines proposées. D'autre part, les grandes écoles n'ont pas perdu de leur attractivité : se sont développées parallèlement à elles, des écoles de préparation qui ont permis à un plus large public de suivre un enseignement menant à une haute qualification de technicien, ingénieur, administrateur de la haute fonction publique, etc.
[...] Ce capital culturel est un héritage du milieu social de leurs parents. En effet, il est facile d'imaginer qu'un enfant de cadre parisien aura reçu une culture plus conséquente que celui issu d'un milieu ouvrier. Ce capital culturel n'est pas la seule cause ; s'ajoute à celui-ci le capital économique qui permet aux enfants de ces cadres supérieurs de suivre un enseignement secondaire et souvent une prépa à l'enseignement supérieur. En effet, la plupart d'entre eux ont contourné la carte scolaire et sortent de lycées prestigieux qui leur ouvrent la voie vers la grande porte : c'est par exemple, le lycée Henri IV à Paris. [...]
[...] De façon officielle, ils remettent en cause le principe du droit à un emploi public à la sortie de l'école. Cependant, on comprend très bien que ces notables voyaient en la création de cette école une remise en cause fondamentale (à court terme et à long terme) de leur statut d'élite et de leurs privilèges. Leur discours s'est basé sur trois arguments principaux : d'une part, l'art de gouverner ne s'apprend pas. D'autre part, la création d'une telle école menaçait la pureté de l'enseignement de droit (tout puissant à l'époque). [...]
[...] Ainsi, Bourdieu constate une certaine homogénéité sociale des individus qui entrent dans les grandes écoles. Face à ce constat sociologique, l'envie vient toutefois de ponctuer ces propos dans un premier temps. En effet, on est tenté de dire qu'aujourd'hui l'accès aux grandes écoles est aussi une réalité pour des étudiants issus de la classe moyenne, voire même pour certains élèves issus de Zones prioritaires d'enseignement pour lesquels l'Institut d'études politiques de Paris a par exemple, mis en place un recrutement hors concours. [...]
[...] Crozier constate même : Les grandes écoles fonctionnent de manière scandaleuse ; réputées les meilleures, elles préparent le plus mal possible les jeunes qui auraient le plus de chance de réussite. Ou plutôt, elles les préparent à la réussite personnelle mais pas aux responsabilités qui sont les leurs On reproche à l'Ecole nationale d'administration de former les futurs énarques à une pensée unique. J. Coussirou affirme lui, que la formation est faite de débats, de discussions, d'études de cas, d'intervenants diversifiés autant d'éléments qui permettraient une pensée plurielle. [...]
[...] Or, nous avons vu précédemment que cette assertion est un leurre : en 1994, sur 103 admis étaient issus d'une classe aisée, contre 36 des classes populaires. De plus, une étude de Kesler dans L'énarchie n'existe pas montre qu'entre 1983 et 1994 soixante-seize pour cent de ceux qui réussissent le concours de l'Ecole nationale d'administration sont issus de l'Institut des études politiques de Paris. A ces éléments s'ajoute le fait que seulement quinze pour cent des énarques ont l'un de leurs deux parents énarque. [...]
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