« Le champ « ville » est depuis longtemps saturé par les politiques publiques. » C'est ainsi que Dominique Damamme et Bruno Jobert débutent leur article La politique de la ville ou l'injonction contradictoire en politique. En effet, dans les années 1980, « émerge dans cet espace un nouveau dispositif, qualifié d'abord de politique des quartiers puis de politique de la ville, appellation générique trompeuse qui couvre en fait un domaine d'intervention spécifique en faveur des zones urbaines à forte précarité sociale. » Autrement dit, à travers la politique de la ville, on doit comprendre l'ensemble des interventions de l'Etat et des collectivités locales destinées à améliorer la situation de certains quartiers sensibles.
Cette introduction permet de présenter le contexte dans lequel je vais me placer dans le cadre de cette étude de cas. Il s'agit d'étudier les quartiers comme un espace territorial présenté comme « en difficulté » et qui sont donc l'objet, les bénéficiaires de cette politique publique qu'est la politique de la ville. La question est de savoir si les quartiers en France sont un instrument de l'action publique. Pour pouvoir y répondre il convient, en premier lieu, de comprendre la notion d'instrument. Un instrument est un construit intermédiaire à partir duquel se représente le monde réel. D'après Dominique Lorrain, c'est un « support qui permet d'agir, de mesurer les résultats et de corriger ». Nous pouvons, dès lors, mettre en relief deux dimensions qui seront le fil conducteur théorique de notre réflexion : la construction de l'instrument et sa ou ses finalité(s). Dans le cas concret de cette étude de cas, il s'agit d'étudier en quoi des quartiers seraient un instrument de l'action publique, c'est-à-dire, en quoi seraient-ils un construit des acteurs publics et finalement quelles seraient ses utilisations ? Ces deux points constitueront les deux parties de mon exposé.
[...] Les relais de l'Etat n'ont désormais qu'un rôle administratif en ce qui concerne cette politique publique. Un instrument construit par des institutions d'expertise en apparence neutres en appararence seulement Nous avons vu que le passage au niveau national est opéré et donc légitimé par des institutions d'expertise mais ces dernières ne sont pas neutres. En effet, c'est le gouvernement qui, en France, dispose des institutions à même de produire des découpages et des comptages nationaux (notamment INSEE et IGN). Finalement, comme les limites des quartiers ont été fixées préalablement au travail statistique, on pourrait dire que le travail de l'INSEE consiste à une sorte de mise en œuvre d'un découpage déjà imaginé et donc imposé par l'Etat. [...]
[...] L'instrument affecte le sens donné des situations. Premièrement, les opérations de zonage filtrent, simplifient et donc limitent la vision. Deuxièmement, effet plus subtil, utiliser les quartiers comme un instrument c'est incorporer un point de vue cognitif sur les choses, c'est-à- dire, porter un jugement sur le réel. Mais le danger réside dans le fait que cette catégorisation fonctionnant en amont de l'acteur finit par être intériorisée par ce dernier. Autrement dit, on construit un objet qui n'est plus en capacité de produire une représentation de lui-même. [...]
[...] HALL, Bruno PALIER, La France en mutation 1980-2005, Sciences Po les presses Dominique DAMAMME et Bruno JOBERT, la politique de la ville ou l'injonction contradictoire en politique Revue française de science politique Vol No p. 3-30 Jacques DONZELOT, Faire société, la politique de la ville aux Etats-Unis et en France, Edition Seuil 2003 Fabien JOBARD, Le banni et l'ennemi. D'une technique policière de maintien de la tranquillité et de l'ordre publics Pierre LASCOUMES et Patrick LE GALES, Gouverner par les instruments, Sciences Po Les Presses P. 49-70 Dominique LORRAIN, La dérive des instruments. [...]
[...] Par là même, c'est-à-dire au nom des banlieues et des pauvres, l'Etat a voulu revenir sur le devant de la scène, recentraliser l'action publique. Un instrument né d'une initiative down ou top Si aux prémisses de la politique de la ville (années 1980) existaient des dispositifs contractuels liant l'Etat aux collectivités locales, l'inscription territoriale de l'action publique par la suite, donné lieu à un processus de centralisation politique avec un affaiblissement des services locaux de l'Etat et la mise en place des dispositions automatiques (mesures de discrimination territoriale) maîtrisées par le centre. [...]
[...] Les quartiers se trouvent redéfinis régulièrement afin de mieux servir des objectifs déjà constitués. Preuve : Une catégorie très sensible à la conjoncture politique : Pour expliquer ce point, il s'agit de noter, à travers deux exemples, comment chaque changement politique d'envergure entraîne une redéfinition des objectifs et des moyens de la politique de la ville et surtout de celle de son objet : les quartiers. En 1981 est élu Mitterrand. La crise des banlieues qui surgit pendant l'été ouvre une policy window Elle constitue, en effet, un défi majeur pour le nouveau gouvernement qui doit rapidement faire la preuve qu'il est capable de gérer ces situations. [...]
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