Suite à la violente polémique qui a eu lieu en Europe après la publication par le quotidien danois, suivi par d'autres comme Charlie Hebdo en France, de dessins caricaturant le prophète Mahomet, le député français Eric Raoult a proposé l'adoption d'une loi visant à « interdire la banalisation du blasphème religieux par voie de caricature ». De même, le député Jean-Marc Roubaud a déposé une proposition visant à « interdire les propos et les actes injurieux contre toutes les religions ». En effet, selon le Sénateur Demuyunk, qui a déposé la proposition devant le Sénat, la publication de ces caricatures pose le problème des limites qui doivent être portées à la liberté d'expression de la presse face à la religion. Selon lui, le Législateur se doit donc de sanctionner les atteintes volontaires aux fondements des religions. Ces propositions n'ont pas abouti, mais soulignent la complexité des rapports entre droit et religions. En effet, la France notamment est très attachée au principe de la laïcité, posé par la Loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat du 9 décembre 1905, qui prévoit une stricte neutralité de l'Etat. La religion relève de la sphère privée, ce qui implique que l'Etat n'intervient pas en la matière, et inversement que la religion n'intervient pas dans les affaires de l'Etat. Pour autant, le droit ne peut rester ignorant face aux identités religieuses. D'ailleurs, la Constitution de 1958 rappelle dans son article Premier que « La France assure l'égalité devant la Loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion » mais également qu' « Elle respecte toutes les croyances ». Il y a donc une ambivalence inhérente aux relations entre le droit et la religion, puisque le droit ne peut pas prendre en considération la religion au nom du principe de laïcité, mais dans le même temps, le droit se doit de protéger les croyances de chacun.
En définitive, il convient de se demander dans quelle mesure et sous quelles formes le droit contemporain doit-il prendre en compte les différentes identités religieuses.
Si le droit apparaît d'abord comme protecteur des identités religieuses (I), il n'en est pas moins soumis à un strict principe de neutralité l'empêchant de s'immiscer dans cette matière (II).
[...] Le juge et la laïcité : le droit au respect des croyances In Petites Affiches, MONGIN, Olivier. Le droit, la religion, l'Etat. A propos de Homo juridicus d'Alain Supiot In Esprit, Février 2005, p ROLLAND, Patrice. Existe-t-il un droit au respect es convictions religieuses dans les médias ? In Revue Française de Droit Administratif p ROLLAND, Patrice. La critique, l'outrage et le blasphème In Recueil Dalloz p. [...]
[...] Le principe de neutralité veut qu'il ne soit pas fait de distinction entre une secte et une religion C'est ce qu'a d'ailleurs confirmé la Chambre Criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 30 juin 1999, en reconnaissant à l'église de Scientologie le droit de se considérer comme une religion. Pour autant, le droit ne tolère pas tous les agissements sectaires, quand bien même ils seraient inhérents à une identité religieuse. Il convient donc de trouver un équilibre entre protection de l'identité religieuse de chacun et protection des individus contre toutes les dérives sectaires. [...]
[...] De même, une personne de confession juive qui quittait son travail en avance le vendredi soir tout en ayant refusé un aménagement du temps de travail proposé par l'employeur est fautive et peut être licenciée (CA Paris jan. 1989). Enfin, une salariée qui s'absente de son travail pour une fête religieuse sans avertir son employeur peut valablement être licenciée (Cass. Soc déc. 1981) Les identités religieuses reconnues par le droit 3. l'organisation officielle des affaires cultuelles La Loi de 1905 a posé le principe de la séparation de l'Eglise et de l'Etat en France. [...]
[...] De même, le droit public impose aux agents le respect de l'identité religieuse des usagers. Le Conseil d'Etat a ainsi jugé que dans certains établissements, le libre exercice des cultes ne peut être sauvegardé que par l'instauration d'aumôneries à l'intérieur desdits établissements Ass., 1er fév Chaveneau) Cependant, le droit encadre tout de même de manière stricte la manifestation de l'identité religieuse des fonctionnaires et des usagers des services publics. Dans un avis Marteaux du 3 mai 2000, le Conseil d'Etat rappelle donc Si les agents du service de l'enseignement public bénéficient comme tous les autres agents publics de la liberté de conscience [ le principe de laïcité fait obstacle à ce qu'ils disposent, dans le cadre du service public, du droit de manifester leurs croyances religieuses C'est sur ce fondement qu'un hôpital a décidé de ne pas renouveler le contrat le liant à une assistante sociale qui refusait d'ôter son voile (TA Paris octobre 2002). [...]
[...] De même, la religion ne peut servir de fait justificatif à un acte illicite. Dans une décision du février 1995, le Tribunal de Grande Instance de Versailles rappelle ainsi que le fait de ne pas nourrir un enfant ne peut en aucun cas être justifié par la pratique du carême. La Cour d'appel de Lyon précise que si la liberté religieuse est totale, il est permis de concevoir que certains individus utilisent une doctrine religieuse, en soi licite, à des fins financières ou commerciales pour tromper des tiers de bonne foi. [...]
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