Longtemps exclues de la sphère politique, les femmes ont obtenu la pleine reconnaissance de leur citoyenneté par l'ordonnance du 26 avril 1944, qui accorde le droit de vote et d'éligibilité aux françaises. Si le bilan du droit de vote est positif, il n'en va pas de même du droit à l'éligibilité : 6% des femmes à l'Assemblée nationale élue en 1993, 10,9% en 1997. Donc d'un côté, on a affaire à des électrices autonomes, à des citoyennes à part entière, de l'autre à un petit nombre d'élues qu'on empêche d'occuper à parité les sièges des assemblées, et, plus largement, des différents lieux de pouvoir.
Dans cette étude sur les femmes en politique, nous nous concentrerons sur le cas de la France et nous nous interrogerons sur le rapport que les femmes entretiennent à la politique, à travers notamment la socialisation, le militantisme, le comportement électoral, les représentations symboliques. « Les femmes en politique», c'est avant tout une catégorie qui émerge, distincte de celle des hommes, mais qui ne saurait être uniforme : il reviendra donc de distinguer l'âge, le milieu socioprofessionnel, la socialisation familiale, qui influent sur le rapport des femmes à la politique.
Nous nous intéresserons donc à la question des « genres », qui tend à devenir un nouveau référent du sujet en sciences politiques et fait émerger de nouvelles problématiques. Dans quelle mesure l'apprentissage des rôles politiques est-il sexué, et en quoi l'étude du genre permet-elle d'expliquer les comportements politiques et les déterminants du vote ?
Problématique : c'est la construction d'une différence qui a permis à la fois de faire émerger la femme comme catégorie spécifique en politique. Et qui a contribué à l'exclure de la sphère publique.
Deux axes structureront notre étude.1) Comment les femmes sont-elles passées d'objets à sujets ? En quoi la prise en compte de la dimension sexuée de l'électorat permet de faire émerger une catégorie politique? 2) Comment ce même facteur « sexe », au nom duquel elles ont acquis tous les droits, contribue-t-il à les exclure de la sphère publique ?
[...] Elles à qui les radicaux-socialistes refusaient le droit de vote au motif qu'elles suivraient les consignes des curés, et qui encore en 1952 déclarent pour 52% d'entre elles (contre 29% des hommes) aller à l'église chaque dimanche (IFOP), ne sont plus en 1991 que 11% à se rendre sur les lieux de culte au moins une fois par semaine des hommes). Les effets de ces trois facteurs (éducation, travail, désaffection du religieux) vont dans le sens d'une plus forte politisation et d'une orientation plus marquée à gauche des électrices. Ces effets sont suffisamment forts pour compenser celui de l'âge qui exerce en sens inverse. À ces raisons sociologiques s'ajoutent des raisons culturelles. [...]
[...] L'espace symbolique du champ politique apparaît comme saturé de références à la féminité. L'image de la femme a été utilisée pour représenter des images abstraites telles que la liberté ou la république. Il y aurait donc un paradoxe entre ce choix iconographique et le fait que les femmes se trouvent aux marges du pouvoir réel. Maurice Agulhon a étudié la signification de Marianne, la figure emblématique de la république française : symbole de la maternité, de l'être féminin doux et paisible. [...]
[...] En effet, les normes de la féminité qui sont intériorisées dès l'enfance ne semblent pas adaptées au champ politique. Les femmes qui entrent en politique entrent dans un domaine perçu comme masculin. A la suite de Simone de Beauvoir, Yvette Roudy dans un article intitulé un autre regard revient sur la socialisation des jeunes filles. Elle explique comment le petit garçon est élevé dans le culte des valeurs guerrières, dans l'exaltation de la virilité, afin d'apprendre à être un chef. [...]
[...] Le féminisme se structure jusqu'à devenir un combat résolument politique en même temps que se développe le suffragisme. Par l'intervention du politique, les femmes obtiennent le droit de vote en 1944 et l'exercent un an plus tard. Elles sont donc parvenues à obtenir la reconnaissance de leur citoyenneté. Après l'obtention du droit de vote, le combat des féministes, symbolisé dans les années 1960 par le MLF (Mouvement de Libération des Femmes) va dès lors se recentrer sur la personne de la femme. [...]
[...] Dans les années 1950, Margaret Mead assène violemment dans le champ de la sociologie et de la psychologie que les comportements de genre ne sont pas biologiquement déterminés. C'est l'environnement social qui assigne au sujet un sexe qui est socialement construit et qui détermine des comportements différenciés, alors même que cette différenciation n'est pas biologiquement justifiée. Le social aurait culturellement construit la différence entre les sexes. Dans The Arrangment between the Sexes, Erving Goffman explique que c'est la société qui fournit aux individus des rituels codifiés pour leur permettre de se reconnaître dans leur identité sexuelle, dans leurs interactions quotidiennes. [...]
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