« Les peuples démocratiques aiment l'égalité dans tous les temps » écrivait Tocqueville, affirmant ainsi la place prépondérante de la notion d'égalité dans les sociétés démocratiques. Celle-ci prend alors la forme d'une recherche de l'égalité des chances, autour de laquelle se forme un réel consensus. Cependant la notion d'égalité des chances est complexe et reste un concept difficile à définir. En effet, le mot « égalité » peut à la fois désigner l'égalité « extérieure », établissant des droits et des règles identiques pour chaque individu, et l'égalité « réelle », effective, consistant dans l'état semblable de leur propriété, de leur personnalité, de leur condition.
De même, le mot chance fait aussi bien référence à la notion de hasard ou de probabilité (« cadentia » en latin désigne la chute aléatoire d'un dé à jouer), qu'à l'idée de bonheur, d'issue heureuse. Le terme « égalité des chances » semble donc indiquer « la faculté pour les individus de participer, à égalité les uns avec les autres, au jeu social pour l'obtention de biens valorisés suffisamment rares pour qu'ils ne soient pas disponibles pour tous », selon les mots de Y. Poirmeur.
La réalité de l'égalité des chances en France, fait régulièrement l'objet de polémiques, comme récemment lors des émeutes en banlieue de l'automne 2005.
L'égalité des chances correspond donc à un idéal de récompense et de reconnaissance des mérites individuels, fortement enraciné dans les valeurs démocratiques et républicaines, et susceptibles d'être concrétisé par l'école (I). Cependant, il semble que cette égalité des chances unanimement encensée soit en grande partie une illusion, une fiction (II), qu'il faut pourtant préserver dans la mesure où elle constitue un des piliers de notre société (III).
[...] Chaque groupe valorise plus ou moins les études, apportes à l'enfant des connaissances, des compétences verbales, etc. plus ou moins proches de celles attendues par l'école. Ainsi, les enfants issus des milieux les plus favorisés sont déjà sont déjà, à leur arrivée à l'école, adaptés au système scolaire, à ses codes, à ses attentes, à son langage, etc. La socialisation effectuée au sein de leur environnement social et le capital culturel qu'ils y ont acquis sont adaptés au système scolaire et les y préparent donc d'autant mieux. [...]
[...] Qu'est-ce qu'une école juste ? Seuil, collection La république des idées - Collectif, dir. [...]
[...] L'égalité des chances s'est réellement affirmée en tant que valeur fondamentale du système scolaire français au cours de la seconde moitié du XXe siècle. Avec l'allongement progressif de la durée de la scolarité obligatoire, donc gratuite, et la mise en place de bourses, les inégalités économiques face à l'accès à l'enseignement s'effacent peu à peu. De la sorte, les inégalités économiques étant éliminées, l'accès aux études s'ouvre à tous, et le mérite devient la seule cause des inégalités scolaires. Celles-ci deviennent alors justes puisque seuls les individus en seraient responsables, étant engagés dans une compétition unique, objective et neutre. [...]
[...] L'égalité des droits produits bien en effet une certaine égalité des chances puisqu'il n'existe plus de droit exclusif, de distinction inaccessible, ni de position réservée. C'est ce que résume Talcott Parsons en affirmant qu'avec l'égalité des droits, l'acquisition remplace l'attribution Cependant, l'égalité des droits ne suffit pas à garantir l'égalité des chances. Il faut pour cela prendre en compte les inégalités de situation de départ des individus, notamment en termes de fortune ou de savoir. Il est donc nécessaire de créer les conditions matérielles de l'égalité des chances, qui vont permettre à chacun profiter pleinement des possibilités offertes par l'égalité des droits. [...]
[...] Une autre analyse vient compléter celle-ci, en soulignant le rôle des ressources et des capacités stratégiques des familles. Les parents guident en effet leurs enfants de manière d'autant plus efficace qu'ils ont une bonne connaissance du système scolaire. Or on constate que ce sont les familles les plus socialement favorisées qui ont la meilleure connaissance du système et maîtrisent le mieux les instruments permettant de favoriser la réussite scolaire, notamment les cours particuliers, les séjours linguistiques, la surveillance du travail à la maison, le choix des filières les plus rentables Afin de placer leurs enfants dans la bonne classe ou le bon établissement, les parents d'élèves des milieux sociaux élevés, qui maîtrisent le mieux les rouages du système, utilisent même des stratégies des plus subtiles, en particulier grâce au jeu des options rares qui permette de contourner la carte scolaire. [...]
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