Dominante répressive, champ médiatique tunisien, médias, Président Ben Ali, depuis 1989
Selon le professeur et sociologue Lahouari Addi, spécialiste de l'Algérie, « la différence est grande, dans l'ensemble des pays arabes, entre ce qui est dit dans les textes et la réalité du terrain », en ce sens que les textes en vigueur n'ont strictement aucun pouvoir normatif, contraignant, à l'encontre du régime politique en place. Ces textes ne sont fondamentalement pas pris au sérieux, et ne sont là qu'à titre de propagande sur le plan intérieur et de vitrine sur le plan international.
Après avoir d'emblée affirmé aux étudiants présents qu' « aucun État arabe ne présente de caractère démocratique », il prévient que l'analyse de la vie politique dans les pays arabes fera très peu référence à la Constitution. Alors qu'il semblerait impensable à un étudiant français qui aurait un cours sur les systèmes politiques en France depuis la Révolution de ne pas prêter attention aux quelque quinze Constitutions qu'a connues son pays depuis lors, une telle analyse semble en effet peu nécessaire dans le cadre des pays arabes.
Pour illustrer ce propos, tenu à l'occasion de son cours consacré aux systèmes politiques dans le monde arabe au sein de l'IEP de Lyon, ce professeur avait justement pris l'exemple de la Tunisie, et plus particulièrement celui de Ben Ali qui, arrivant au pouvoir en 1987, supprime deux articles de la Constitution disposant que Bourguiba était Président à vie, et fait passer une réforme visant à limiter le nombre de mandats à deux, et la limite d'âge pour exercer la fonction de Président de la République à 60 ans. Or, dès que ces deux limites ont été atteintes par le « Général-Président », la « norme fondamentale » (Hans Kelsen) n'a pas résisté longtemps : un référendum portant révision constitutionnelle, organisé en 2002 et approuvé par plus de 99% des Tunisiens, abolissait purement et simplement à la fois la limite du nombre de mandats à la Présidence de la République, et la limite d'âge pour pouvoir exercer la fonction.
[...] De plus, si les lignes sociales bougent à travers ces nouveaux médias, les sujets politiques, eux, ne doivent en aucun cas être abordés de front. Les bulletins d'informations continuent inlassablement d'être calqués sur ceux fournis par la TAP. Quant à canal 7 qui était la seule chaîne de télévision publique à la date de création de Hannibal TV elle a tout simplement gardé le monopole des ondes hertziennes en dépit de la libéralisation du secteur en 2003, obligeant sa concurrente à diffuser ses programmes par voie satellitaire, et la contraignant par là même à n'être captée que par la moitié des ménages tunisiens (celle disposant d'antennes paraboliques). [...]
[...] Son agression est intervenue en plein quartier des ambassades, fortement quadrillé par la police. Ses appels au secours ont laissé indifférents les policiers en armes postés à quelques mètres de là et qui surveillaient l'ambassade de la République tchèque. Ses agresseurs se sont contentés de lui subtiliser ses carnets de notes, son téléphone et sa clef USB (selon le site www.rsf.org), et un policier, venu quelques heures plus tard lui rendre visite à sa chambre d'hôtel, lui a signifié qu'il refusait d'enregistrer sa plainte. [...]
[...] Prenez-leur les mots et ils prendront les armes est une formule qui représente assez bien les résultats de court terme que le pouvoir tente d'obtenir via sa politique de répression contre toutes les formes de dissidence, sans que cette politique ne soit porteuse d'aucun espoir pour l'avenir, car, par définition, elle frustre, et radicalise. Ce même Kamel Laabidi, dont la détermination peut rendre optimiste, affirmait à un journaliste lui demandant s'il n'était pas lassé de dénoncer le régime en place dans tous ses écrits (voir son interview). Voici sa réponse : c'est mon devoir de journaliste tunisien de faire mon travail selon les règles de la profession et de l'éthique. [...]
[...] Loin de devoir craindre le régime en place, les acteurs de l'information en Tunisie pourraient donc au contraire avoir confiance en lui, et même solliciter sa protection, que ce dernier leur accorderait volontiers. Et si les textes ne suffisent pas à vous en convaincre, voici quelques déclarations du plus haut dignitaire de l'État, rapportées par Nicolas Beau et Jean-Pierre Tuquoi, qui devraient dissiper les quelques doutes qui vous restent : Nous sommes en droit, aujourd'hui, d'être fiers de ce qu'il n'existe [pas] le moindre tabou sur quelque sujet que ce soit à l'intérieur de notre espace médiatique. [...]
[...] Mais ces pratiques trop peu efficaces et la prise de conscience du régime qu'il ne pouvait, à lui seul et même avec ses appuis au sein des chancelleries étrangères, contrôler les éventuels emballements médiatiques dans le monde, l'ont incité à circonscrire son action répressive à la zone géographique qu'il sait le mieux contrôler : son propre territoire. S'il a pris acte du fait qu'il lui sera impossible d'empêcher efficacement les sociétés civiles vivant en démocratie d'être informées par les différents acteurs travaillant en ce sens (médias, ONG, milieux associatifs etc.), il est néanmoins hors de question, pour la stabilité du pouvoir, de laisser les Tunisiens avoir librement et impunément accès à ces flux informationnels. [...]
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