Pendant que la France s'interroge sur l'opportunité de légiférer sur l'interdiction du port du voile islamique intégral dans l'espace public, le débat se pose en de tout autres termes au Canada et au Québec. En effet, si en France la liberté de religion est garantie à l'article 1 de la Constitution de 1958, elle est contrebalancée par l'affirmation au sein du même article : « La France est une République (…), laïque (…). ». Or au Canada et dans la Belle Province francophone, la laïcité bien qu'étant un consensus tacite n'est pas officiellement affichée et non encore définie dans sa pratique. Toutefois, la liberté religieuse et la liberté de conscience sont érigées au rang de libertés fondamentales dans les Chartes des droits et libertés canadienne et québécoise, ayant une valeur quasi constitutionnelle. Ainsi, en France, la question qui se pose est de savoir dans quelle mesure une femme peut-elle porter un vêtement couvrant intégralement son visage dans un espace public défini comme laïc alors qu'au Canada, la question se poserait davantage de la façon suivante : comment faire en sorte que tout individu puisse librement et de façon égale pratiquer sa religion (ou son absence de religion) dans les lieux publics ?
Plus précisément, cette question est abordée, depuis 1985, à travers la pratique des accommodements raisonnables, construction jurisprudentielle à l'origine destinée aux questions d'ordre religieux mais qui s'est étendu à un certain nombre de critères considérés par les Chartes comme discriminatoires comme le handicap ou encore le sexe. Cette pratique cherche à réaliser des compromis permettant à chaque individu d'être égal dans l'exercice de sa liberté de conscience et de religion dans l'espace public. Elle constitue aussi un instrument indispensable dans la gestion de la diversité, croissante dans l'ensemble du Canada du fait de l'accueil de nombreux immigrés.
Ainsi, il s'agirait de s'interroger, dans ce travail, sur ce qui fait de l'accommodement raisonnable une pratique à la fois pertinente dans le contexte du Québec mais aussi si controversée. Autrement dit, pourquoi l'accommodement raisonnable est-il devenu un révélateur des contradictions de la société québécoise ?
[...] des Droits de la Personne c. Simpsons-Sears, [1985] 2 R.C.S R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S Commission scolaire régionale de Chambly c. Bergevin, [1994] 2 R.C.S Dagenais c. Société Radio-Canada, [1994] 3 R.C.S Syndicat Northcrest c. Amselem, [2004] 2 R.C.S CSC 47 Multani c. [...]
[...] Si cette Commission a permis de dresser un portrait assez complet du cadre des accommodements raisonnables, certaines questions essentielles restent aujourd'hui sans réponse à cause d'un trop grand désaccord ou d'un refus des autorités de s'interroger en profondeur sur ces sujets. On pense entre autres au modèle de laïcité souhaité par le Québec. Ainsi, il s'agirait de s'interroger, dans ce travail, sur ce qui fait de l'accommodement raisonnable une pratique à la fois pertinente dans le contexte du Québec mais aussi si controversée. [...]
[...] des Droits de la Personne c. Simpsons-Sears, [1985] 2 R.C.S Aristote, Ethique à Nicomaque Jocelyn MacLure, Entre le culturel et le civique : les voies (accidentées) de l'accommodement raisonnable, CAIRN, en ligne http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=CITE&ID_NUMPUBLIE=CITE_023&ID_ART ICLE=CITE_023_ Commission scolaire régionale de Chambly c. Bergevin, [1994] 2 R.C.S Pierre Bosset, Les fondements juridiques et l'évolution de l'obligation d'accommodement raisonnable, Commission des Droits de la Personne et de la Jeunesse Micheline Milot, Laïcité au Canada, Liberté de conscience et exigence d'égalité, Archives de Sciences Sociales des Religions, n°146, avril-juin 2009. [...]
[...] Autrement dit, pourquoi l'accommodement raisonnable est-il devenu un révélateur des contradictions de la société québécoise ? Pour répondre à ces questions, dans un premier temps, nous étudierons la pratique de l'accommodement raisonnable et l'objectif poursuivi : le rétablissement de l'égalité et la reconnaissance de la différence. Ensuite, nous verrons comment l'accommodement raisonnable permet à l'Etat de préserver sa neutralité vis-à-vis des appartenances culturelles et notamment religieuses pour favoriser l'intégration des minorités dans le respect des valeurs de la société québécoise. [...]
[...] L'accommodement raisonnable dans ce contexte repose aussi sur un pari en faveur du potentiel d'intégration de la pleine participation aux institutions de la société d'accueil. Toutefois, les Québécois ont choisi une voie se situant à la croisée des chemins du républicanisme français et du multiculturalisme canadien. En effet, il ne s'agit pas de reléguer les particularismes identitaires dans la sphère privée mais il ne s'agit pas non plus de laisser se constituer des mécanismes parallèles de régulation créés en marge de la sphère publique. [...]
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