En quel sens peut-il y avoir des discours publics inadmissibles ? Par rapport à quelles normes faut-il juger l'inadmissibilité d'un discours, donc d'un argumentaire structuré à vocation fondatrice de règles ? La cohérence et les valeurs universalistes de la sphère publique peuvent certes exiger comme prix l'inadmissibilité de certains discours publics, cependant dans la sphère publique véritablement pluraliste la possible inadmissibilité de discours publics doit être relativisée et encadrée
[...] L'exemple le plus évident est fourni par le discours unique, totalitaire. Il ne peut être contredit, même si la contingence historique le pousse à se transformer. Dans ce modèle il y a une origine dominante, un point de départ indépassable, sous la forme d'un monopole, à tout discours public. La référence de Habermas à cette époque historique pendant laquelle la sphère publique était limitée à la sphère du pouvoir trouve une extension avec les systèmes totalitaires dont la sphère publique a au contraire tendance à envahir tout l'espace. [...]
[...] Y a-t-il des discours publics inadmissibles ? Introduction Mais de grâce, est-ce à moi que ce discours s'adresse ? Racine, Andromaque. C'est à vous, s'il vous plaît que ce discours s'adresse. Molière, Le Misanthrope. Lorsque le président d'un parti de droite extrême renouvelle ses déclarations choquantes sur le point de détail que représentent les camps de concentration pendant la seconde guerre mondiale, il semble évident qu'il existe des discours publics inadmissibles. La définition du discours publics peut apparaître, en revanche, plus difficile. [...]
[...] En resserrant le cadre l'analyse il apparaît que ce sont les acteurs organiques (au sens juridique du terme) qui, producteurs de discours publics, sont les premiers à ressentir l'inadmissible dans les discours opposés, et non une quelconque émanation de la communauté (comme l'opinion publique, la nation ou ses représentants . Or ce sont justement ces acteurs et leurs partisans qui doivent appliquer le principe de tolérance. Locke, dans son Essai sur la tolérance[6], distingue trois types d'opinion ou d'action : celles spéculatives, celles qui concernent la société et qui ne sont ni bonnes ni mauvaises et celles qui concernent aussi la société et qui sont bonnes ou mauvaise. [...]
[...] Dès lors le discours public considéré au nom d'un idéal apparemment légitime (vivre tous en paix, libre, mieux . ) comme inadmissible est viscéralement intolérable, insupportable, selon un schéma que Max Weber détaille à propos de l'éthique de conviction[5]. Il doit être banni de la cité, chassé sinon du Paradis du moins de l'ensemble des hommes qui s'affirment en tant qu'hommes dans le respect mutuel. De la censure organisé par l'Etat aux excès du mouvement Politically Correct aux Etats-Unis, l'inadmissible existe dans le discours public aussi bien matériellement (violation de normes à caractère universel) que dans la réaction qu'il provoque (l'interdiction, le discours surveillé, bâillonné). [...]
[...] Notes Dès son premier ouvrage majeur L'espace public (1962). La seconde forme d'instinct de survie (la reproduction) pourrait dans cette très courte esquisse de parallélisme se voir comparée à l'évolution qu'est prêt à consentir un système politique menacé, devenant ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre Leçon inaugurale au Collège de France prononcée le 2 décembre 1970. Cf notamment le début Du citoyen. La finesse psychologique du modèle de Weber apparaît dans cette phrase tiré de Le métier et la vocation d'homme politique (1919) Le partisan de l'éthique de conviction ne peut supporter l'irrationalité éthique du monde 1667, plus politique et surtout moins orienté sur le seul aspect religieux du problème que la Lettre sur la tolérance (1686). [...]
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